Les événements survenus cette semaine au Québec donnent le vertige à des centaines de milliers de citoyens. Nous avons l’impression que la province a heurté un iceberg. Seule la pointe est émergée, mais nous pouvons percevoir l’immonde masse cachée. La perte de confiance pourrait causer des dommages encore plus considérables que la corruption.
La publication du rapport explosif de l’Unité anticollusion, dirigée par Jacques Duchesneau, la semaine dernière, a relancé le débat sur les pratiques douteuses de l'industrie de la construction.
Mardi 27 septembre, Jacques Duchesneau était de passage devant les parlementaires de l’Assemblée nationale, pour leur expliquer de long en large ce qui a été mis au jour par son équipe d'enquêteurs. Les élus siégeant à la Commission de l'administration publique (CAP) ont souhaité obtenir des précisions sur le contenu du rapport de M. Duchesneau. Le leader parlementaire adjoint, Henri-François Gautrin, est membre de cette Commission.
Jacques Duchesneau croit en «Oser, risquer, agir.» «Il pense que la sécurité, c'est un peu comme l'éducation, ça devrait être l'affaire de toute la population, pas seulement de la police», rapporte Laurent Lapierre, son biographe.
Ce sont également des valeurs sous-entendues à une philosophie de gouvernement ouvert: par la transparence des données gouvernementales, participation et collaboration avec les citoyens.
Le cabinet du premier ministre Jean Charest n’a pas encore agréé la suggestion d’une commission d’enquête publique, proposée par Jacques Duchesneau.
«Le gouvernement Charest a visiblement peur de voir ce nœud de vipère décortiqué et exposé publiquement. C'est l'intégrité même de l'État et la confiance des Québécois envers leurs institutions qui, entre-temps, se délitent. Il y a urgence à tenir cette grande enquête publique.» (Bernard Descôteaux, «La démocratie québécoise gangrénée par la corruption», Courrier international)
«On est en train de vivre une situation où tout est méfiance, il y a du cynisme envers les élus municipaux. Et ce n'est pas vrai que la totalité des élus municipaux sont des pourris et des mafieux mais en même temps, ceux qui se sont aventurés sur ces terrains là doivent s'assumer.» (Yves Poirier – «La FQM et l’UMQ exigent une enquête publique», TVA Nouvelles, Canoë)
Le président de la Fédération québécoise des municipalités, Bernard Généreux, s’est évertué à faire comprendre au premier ministre Charest la nécessité d’une commission d’enquête publique: «Nous avons franchi un point de non-retour pour une enquête publique parce que, là, la gangrène est en train de se généraliser, il faut qu’on y aille maintenant.»
La Fédération québécoise des municipalités (FQM) et l'Union des municipalités du Québec (UMQ) exigent la tenue d'une enquête publique.
Tout est encore possible
«La situation étant maintenant désespérée, tout est maintenant possible» (John Cage)
La semaine dernière (23 septembre), l’équipe de Henri-François Gautrin, mandaté par le premier ministre Jean Charest en octobre 2010 pour une analyse du potentiel du Web 2.0 (incluant les possibilités offertes par un gouvernement ouvert) rencontrait des représentants du gouvernement de la Colombie-Britannique, pour les questionner sur leur stratégie de gouvernement ouvert. Consultez le billet publié par l’équipe Gautrin: «La Colombie-Britannique et son gouvernement ouvert».
Ce qui s’est dit la semaine dernière lors de cette rencontre, c’était fabuleux. Si seulement le Québec réussissait à en faire autant.
Dans l’entourage de Jean Charest, il y a ce monsieur Gautrin, qui possède des connaissances et une compréhension avancée à propos du gouvernement ouvert. Il a dans ses mains l’argumentaire complet d’un modèle de gouvernance, qui pourrait aider le Québec à se relever de l’actuelle crise (après toutefois avoir accepté qu’ait lieu une commission d’enquête publique).
Le rapport de Henri-François Gautrin est prévu pour le 15 décembre 2011. Je considère que l’équipe Gautrin a déjà complété avec succès son mandat d’analyse. La partie théorique, du moins. Les dernières retouches aux ébauches de recommandations indiquent que l’équipe a bien saisi en quoi consiste la philosophie du gouvernement ouvert. Les stratégies d’implantation n’ont cependant pas encore été présentées par l’équipe.
Edgeryriders
Alors que le Québec patauge dans les problèmes jusqu’à la racine des cheveux, même s’il a entre les mains toutes les clés qui pourraient le sortir de l’impasse, il émerge en Europe une nouvelle équipe dirigée par le flamboyant Alberto Cottica, pour qui «Oser, risquer, agir» deviendront une réalité. Le Conseil de l’Europe a décidé de prendre les choses en main en mettant sur pied ‘Edgeryriders’, qui s’apprête à identifier tous les évangélistes et iconoclastes de ce monde et à analyser leur «expertise». Consultez l’offre d’emploi publiée le 29 septembre.
"The Edgeryders team needs a person to help us connect with the most creative activists for democracy in Europe and elsewhere. Young people are reinventing new channels for participation, from the Arab Spring to the Icelandic Wiki Constitution; we feel their expertise should be part of the transition of European youth, and of the Edgeryders community."Vous rendez-vous compte? «Analyser leur expertise»…
Ce qui veut dire que les idées et solutions de celles et ceux qui pensent autrement seront observées à la loupe, décortiquées. Les Edgeryriders baigneront dans une marmite de rêves d’un avenir meilleur et de stratégies pour réinventer les systèmes européens.
Une collaboration est née, mais survivra-t-elle?
La semaine dernière, est née sous mes yeux une collaboration entre la Colombie-Britannique et le Québec. Ce n’est encore qu’un embryon, mais j’y tiens mordicus, à cette espérance de collaboration autour de questions concernant le gouvernement ouvert. Je pâlis au fur et à mesure que s’obstine Jean Charest à agréer une commission d’enquête publique, en voyant s’estomper les promesses d’implantation d’un gouvernement ouvert au Québec.
Une collaboration est née, mais elle risque de vite rendre le dernier souffle, si le Québec n’agit pas dans la bonne direction.
Et si c’est le mauvais chemin que choisira Jean Charest et son équipe, alors les tords causés à la confiance et au délabrement de la démocratie seront tels que pour remettre le Québec debout, la pente pourrait être si abrupte que la tâche serait quasiment insurmontable.
Messieurs Gautrin et Charest, «La situation étant maintenant désespérée, tout est maintenant possible». S’il-vous-plaît, Osez, risquez, agissez.