Blogue de Lyne Robichaud

26 septembre 2011

«Que pensez-vous de nos travaux?» (Henri-François Gautrin)


«Que pensez-vous de nos travaux?», m’a demandé Henri-François Gautrin, le 23 septembre dernier, quelques minutes avant le début de la rencontre avec les représentants du gouvernement de la Colombie-Britannique.

Il y a beaucoup d'éléments à analyser, en voici quelques-uns.

La commande, une analyse du potentiel du Web 2.0, est évidemment des plus pertinentes. Que de louanges à cet effet.

Je n’ai pas eu d’autre occasion que la rencontre du 23 septembre d’une heure et demie pour voir les membres de l’équipe à l’œuvre, et je connais peu les attributions de chacun. Je suis persuadée que chacun des membres de l’équipe fait de son mieux pour livrer les tâches qui lui sont confiées. J’aurais besoin de davantage d’observation sur le terrain. Présentement, je ne suis pas en mesure d’évaluer les performances générales.

Les bons coups
Il y a de nombreux éléments positifs qui méritent d’être soulignés:
• Le volet public – la plate-forme de consultation - est (à mon avis) l’élément le plus important de la démarche d’analyse, la pierre angulaire. En octobre 2010, au moment de la commande des travaux, Jean Charest a insisté sur le fait qu’il devait y avoir un volet public à ce mandat d’analyse.
• L’insertion d’un volet «gouvernement ouvert» a été une très heureuse surprise (je vous assure, que j’ai célébrée avec beaucoup d’allégresse!). Il y a de quoi se réjouir que cette «idée» soit numéro 1 parmi toutes les idées suggérées sur la plate-forme. Cela fournit une base de justification pour la définition et mise en œuvre d’une politique de gouvernement ouvert.
• Le compte Twitter @GautrinWeb2 et la page Facebook sont à souligner comme excellents outils de communication. @GautrinWeb2 décroche un score de 44 sur Klout. [Consultez la liste des influencés/influenceurs http://klout.com/#/gautrinweb2/influencers, la liste est intéressante.] Par ailleurs, plusieurs citoyens et employés du gouvernement ont démontré un intérêt pour la pérennité du compte Twitter, après la fin des travaux d’analyse.
• Quelques billets publiés ces derniers temps fournissent aux citoyens de l’information en amont sur l’avancement de la démarche d’analyse.
• Les hypothèses de recommandations publiées récemment consistent également en un effort de transparence et de publication d’information en amont.
• Nous pouvons nous réjouir que les trois piliers, principes fondamentaux de la philosophie du gouvernement ouvert, feront partie des recommandations: transparence, participation et collaboration.

La plate-forme de consultation
Plusieurs citoyens technologues (notamment Robin Milette et Nicolas Roberge) ont fourni d’excellents commentaires très détaillés sur la plate-forme de consultation. Ils sont plus qualifiés que moi en ce qui concerne les éléments techniques. (Je me concentre habituellement sur la stratégie et l’orientation.)

Stratégie et orientation
Les grandes lignes de la stratégie globale - échéancier, cadre, méthodologie, communications et leadership – auraient pu bénéficier de davantage d’expérimentation pour tenter d’incorporer des éléments d’approche novatrice. Le leadership (en particulier du premier ministre) a fait défaut pendant toute la durée des travaux, et cela a limité la visibilité des travaux, en plus de miner l’espérance des participants que les travaux aboutissent sur une mise en œuvre prochaine des idées proposées.

ÉCHÉANCIER - Je l’ai répété très souvent, le délai de 15 mois accordé pour réaliser la démarche d’analyse est beaucoup trop long. Trois, quatre, voire cinq fois, trop long. Nous sommes à l’ère de la réduction des budgets: il y a un besoin évident d'envisager comment collaborer avec les partenaires et avec le public de manière plus efficace. Cela ne se reflète pas dans l’échéancier retenu pour cette démarche d’analyse.

CADRE - L’ensemble de la démarche d’analyse semble flotter dans une sorte de bulle intemporelle, à l’abri des événements extérieurs. Cela est attribuable à plusieurs facteurs, dont principalement un cadre peu souple. «Déconnecté de la réalité» est malheureusement un commentaire qui revient souvent, pour qualifier des actions du premier ministre.

Les commentaires des citoyens, ou pressions de groupes, ou encore ce que font d’autres gouvernements, ou l’impact d’autres dossiers sur les travaux d’analyse, sont des occasions d'effectuer des changements à l'interne qui répondent à des circonstances externes. En effet, si nous ne nous transformons pas, alors nous réduisons la capacité de composer efficacement avec le monde extérieur. Puisque le monde change, par conséquent, les équipes de gestion de projets gouvernementaux devraient pouvoir s’adapter au changement. Dans les équipes de gouvernement ouvert, tout ce qui contribue à percevoir différemment, enlever les limitations et modifier la manière dont les gens travaillent est incorporé aux stratégies. L’ancien mode de gestion est encore trop omniprésent dans cette démarche d’analyse. Étant donné la nature du sujet étudié, l’expérimentation aurait pu occuper un plus grand espace dans la démarche.

MÉTHODOLOGIE – La démarche suivie, la manière de procéder, aurait pu être conçue dès le départ pour refléter un souci d’adaptation à la nature du sujet analysé (l’Internet et les médias sociaux, "disruptive technology", etc.). La phase silencieuse de la démarche d’analyse a duré d’octobre 2010 à juillet 2011, soit une période de 10 mois, comparativement à cinq mois de phase publique. J’ai reçu d’innombrables commentaires de gens, qui se demandaient (avant le mois de juillet 2011), comment il se faisait qu’une analyse sur les médias sociaux ne soit pas plus axée sur les gens.

Dès février 2011, j’ai eu le privilège de recevoir le questionnaire transmis à l’interne. Les questions diffèrent de celles posées aux citoyens. Il aurait été intéressant de fournir des informations aux citoyens sur la démarche réalisée à l’interne, et dévoiler quelques résultats obtenus lors de cette partie de la consultation. Les réponses des citoyens sont-elles complémentaires de celles de l’interne? Quel est l’apport et l’impact des citoyens dans cette démarche? Peu d’informations sont disponibles sur la partie interne versus celle externe. Il est difficile d’établir quel pourrait être le degré d’influence et de collaboration des citoyens dans la démarche. Au fil des mois, l’équipe Gautrin a reçu une avalanche de suggestions et de messages. Soulignons que de très nombreuses suggestions – apportées par plusieurs citoyens - ont été retenues, la plus importante étant (à mon avis) le volet «gouvernement ouvert» ajouté aux idées de la plate-forme publique.

COMMUNICATIONS ET LEADERSHIP – J’ai mentionné quelques bons éléments de communication ci-dessus, le compte Twitter @GautrinWeb2, la page Facebook, et les billets d’information.

J’aurais aimé voir un plan de communication, ou du moins savoir qu’il en existe un. J’aurais aimé voir une personne spécifiquement mandatée dans des fonctions de communication, rattachée à l’équipe Gautrin, dont la mission aurait été de faire rayonner le mandat.

Puisque le premier ministre a commandé l’analyse, il me semble que le premier ministre aurait dû faire une conférence de presse au début – dès octobre 2010 -, pour marquer le lancement des travaux d’analyse, et faire une autre conférence de presse lors du lancement de la plate-forme publique – en juillet 2011 -, en plus de parler des travaux d’analyse à plusieurs reprises, afin de faire connaître l’avancement des travaux.

J’aurais aimé aussi entendre parler Henri-François Gautrin de ce qu’il fait. Le voir dans des capsules-vidéos, ou alors par le biais de billets/entrevues. Au fil des mois, les réflexions ont progressé, et il aurait été intéressant de pouvoir suivre le fil des pensées et préoccupations de M. Gautrin et aussi, des membres de son équipe. Qui sont ces gens, qui l’épaulent? Sur quoi ont porté leurs efforts? Quelles problématiques ont-ils rencontrées? Qu’est-ce qui les inspire?

Henri-François Gautrin, pour les personnes qui ne le connaissent pas, est un homme de grande stature, avec une voix du registre d’un baryton. Il adopte une attitude enjouée avec ses collaborateurs, ce qui fait qu’on pourrait dire qu’il est sans âge (bien qu’il ne cesse de parler de son âge – il ne devrait absolument pas --- chaque fois j’émets un «beep» de réprimande dans ma tête quand il s’étend sur ce terrain). Il est capable de parler avec franchise de problématiques gouvernementales. Il s’intéresse au gouvernement ouvert et est au courant de ce qui se passe à travers le monde. Je suis persuadée qu’un volet de communications - permettant de découvrir qui est Henri-François Gautrin, ce qu’il pense, ce qui l’inspire, ce qui le préoccupe, et des éléments de sa vision - aurait été une plus value au volet public des travaux d’analyse. Tout le monde aurait gagné à mieux le connaitre.

Davantage de communications et leadership auraient pu faire une grande différence dans ce mandat d’analyse.

Il reste deux mois et demi avant le dépôt du rapport final (annoncé pour le 15 décembre 2011). Très peu de citoyens – et même très peu d’élus et des gestionnaires gouvernementaux – sont au courant de l’existence des travaux d’analyse. Il me semble que le rapport pourrait être perçu comme un cheveu sur la soupe, si aucune action de communication n’est prévue entre maintenant et le 15 décembre. Par ailleurs, étant donné que le gouvernement ouvert nécessite un «changement complet des mentalités», comme l’a indiqué Henri-François Gautrin lors d’un reportage de la SRC cet été, je considère que ce ne sera pas suffisant de limiter à une conférence de presse la visibilité de ce dossier, pour arriver à effectuer un saut harmonieux vers une politique de gouvernement ouvert.

Plusieurs citoyens pourraient être froissés d’apprendre la fin des travaux, le 15 décembre 2011, avant même eu le temps de participer. Plusieurs citoyens pourraient se demander «qu’est-ce que c’est que cela, le gouvernement ouvert?», au moment où le rapport sera déposé. Ce n’est pas un concept simple et facile à comprendre. Cela ne s’explique pas aux citoyens par une seule intervention, mais par une panoplie de stratégies, de moyens et d’actions.

J’avoue que je suis considérablement inquiète à propos de la suite des événements. Je m’interroge sur la capacité de changement des plus hauts décideurs du gouvernement et le boost / propulsion considérable de leadership qui devra être nécessaire pour transmuer le gouvernement actuel en un gouvernement ouvert.

Le changement de pensées est ce qui m’inquiète le plus. J’ai même imaginé que les hauts décideurs devraient être suivis toute la journée, dans toutes leurs activités, pendant quelques semaines, pour analyser et mesurer l’ampleur du changement de pensées qu’ils devront effectuer. Après leur avoir exposé de long en large ce que sont les principes du gouvernement ouvert, et leur expliqué ce que devrait être le leadership associé à ce type de gouvernance, les suivre avec un carton rouge, dans toutes leurs activités, et le secouer discrètement devant leurs yeux, chaque fois qu’ils diront quelque chose contraire à la philosophie du gouvernement ouvert.

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