Les habitués de ce blogue savent probablement que ma citation préférée est de Patrick Lagadec. Je l’ai relue aujourd’hui, et elle me convient encore. Je dirais même davantage un peu plus chaque jour.
«Il faut crever cette bulle protectrice qui assure la double fausse protection des décideurs et des citoyens. Sachons quitter «nos jardins à la française», avec leurs risques bien domestiqués, pour les terrains impensables de l'ignorance et du chaotique. C'est là que nous trouverons la force de coeur et d'esprit nécessaires à l'action.»
Patrick Lagadec, directeur de recherche, École Polytechnique, Paris, France.
Les terrains impensables de l’ignorance et du chaotique, je pense en avoir exploré quelques-uns en fondant le forum Zonegrippeaviaire.com en juin 2007, et en dirigeant cette communauté de pratique pendant plus de deux années.
La force de cœur et d’esprit, j’en ai vu des quantités formidables chez les participants, dont l’intérêt et la passion n’ont pas flanché, malgré les mois et les années qui ont passé.
Lorsqu’une situation difficile m’arrive, je me pose toujours la question «Pourquoi?». La plupart du temps, je n’ai aucune réponse. La réponse ne survient que bien plus tard. Voire des années plus tard. Dans le feu de l’action, il arrive que l’on rue dans les brancards, proteste, ou regimbe. Puis on finit par se taire et lâcher prise. Et alors, la compréhension surgit. Puisque notre esprit est calme, il devient possible de dégager des conclusions.
Le forum Zonegrippeaviaire est-il arrivé avant son temps? Je le ne crois pas. Une pandémie a bien eu lieu. Nous n’étions pas timbré, détraqué, dingo, fada, fêlé, maboul, ni sonné.
Le fait d’avoir pu réfléchir aux questions concernant la menace pandémique AVANT qu’une véritable pandémie ne frappe a permis à des personnes de comprendre et de visualiser ce qui allait survenir, et de se préparer en conséquence. Et telle est la mission du forum Zonegrippeaviaire: informer et générer de l'empowerment. Il est dommage que les autorités du pays n’aient pas appuyé l’initiative, ni encouragé la communauté de pratique à se développer davantage. «Orpheline» en quelque sorte, la communauté s’est développée quand même, sans la présence gouvernementale à ses côtés. Sans ressources financières, carburant à la seule force humaine de coeur et d'esprit.
Avoir marché dans l’adversité, l’indifférence, l’apathie, cela ressemble assez à l’expression «emprunter des terrains chaotiques» imaginée par Patrick Lagadec. Sur ces sentiers encore non battus, des participants de Zonegrippeaviaire se sont rencontrés et ont mis en commun leurs connaissances et leurs expériences. Ils ont scruté, débattu, analysé des situations. Ils ont élaboré des séances de remue-méninges collectives, brassé des idées, comparé des mesures, et tenté de deviner les morceaux manquants du puzzle géant, au fur et à mesure que les virus d’influenza se développaient et marchaient à travers les populations aviaires, animales et humaines.
Il s’agissait d’un petit nombre de personnes (comparé à l’ensemble de la population).
Il s’agissait de gens désireux de comprendre. Des gens qui ont fini par devenir auto-éclairés.
Ces gens nous lèguent une bibliothèque impressionnante de contenu, d’idées et de solutions pratiques à tester lors d’une pandémie.
Des personnes ordinaires, mais extraordinaires, car elles possèdent une culture de la compassion, et démontrent un comportement d’entraide envers l’Autre. Elles ressentent de la compassion pour tous les êtres vivants, en souhaitant limiter la souffrance causée par un virus pandémique, et diminuer la morbidité. [PARENTHÈSE: J'ai trouvé qu'il y avait d'étranges similitudes entre cette attitude, et la discipline intérieure dont parlent les maîtres boudhistes. Mais c'est une autre histoire, qu'il serait intéressant de développer dans un éventuel billet.]
D’après James Surowicki, auteur du livre «La Sagesse des foules», collectivement, les gens en savent plus que ce que les gens, situés en haut de la pyramide du pouvoir, croient. La diversité serait la clé d’une foule intelligente, à deux niveaux plus particulièrement: dans la manière de percevoir un problème, et dans la façon de régler un problème.
Malheureusement, les solutions issues de la collectivité n'ont pas toutes été entendues ni retenues, et l’état de préparation pandémique idéal n’a pas été atteint. Nos rêves collectifs ne se sont pas encore tous réalisés. Le plus décevant concerne, à mon avis, les préparatifs sociaux, qui ne se sont pas encore matérialisés.
MAIS, nous sommes en pandémie, et les leçons d’aujourd’hui serviront à nous améliorer, ainsi qu’à mieux nous préparer pour les pandémies futures. Tant que la force de cœur et d’esprit vibrera en nous, il y a espoir que nous parvenions à solutionner nos problèmes (d'Humanité), notamment les pandémies.