Blogue de Lyne Robichaud

16 juillet 2011

Faire face à l'innovation sociale nécessite des approches spécifiques


Je répondrai à la question no.5 de Henri-François Gautrin, le leader parlementaire adjoint du gouvernement du Québec, par une série de billets.
QUESTION: L'utilisation du Web 2.0 doit-elle entraîner des modifications dans la façon de fonctionner du gouvernement?

Les billets de cette série:
1. Faire face à l'innovation sociale nécessite des approches spécifiques;
2. Leaders intrépides;
3. Faire preuve de souplesse et d'agilité dans un monde en mutation;
4. Réduction de la taille de l'État et rôle de co-producteur;
5. Susciter la participation et la collaboration.

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FAIRE FACE À L’INNOVATION SOCIALE NÉCESSITE DES APPROCHES SPÉCIFIQUES

Des gestionnaires gouvernementaux essaieront d'apprendre à gérer tous ces machins sociaux. Dès qu'ils penseront qu'ils auront maîtrisé le processus de gestion de ces outils Web 2.0, la dynamique changera. Les gens et les organisations gouvernementales risqueront alors de se retrouver coincés dans la gestion des processus. Ils pourraient perdent leur productivité et, pire encore, manquer toute opportunité de progrès.

Se brûler dans une avalanche de machins sociaux

Un grand pourcentage de celles et ceux qui se livrent à l’apprentissage des médias sociaux peuvent se brûler pour de nombreuses raisons, notamment:
• Chaque nouvel outil social introduit attire leur attention et risque de miner leur productivité;
• Ils se perdent dans une panoplie d’applications, d’options et de conversations non pertinentes;
• Le temps passé à utiliser les outils sociaux ne produit pas de rendement;
• Initialement intrigués par les possibilités de tous ces outils, diverses communautés et nombreuses plates-formes, beaucoup de gens se sentent tout simplement débordés et s’essoufflent en essayant de suivre le rythme.

Il est possible de gérer un processus social ou un système social tout entier, à condition que ceux-ci soient stables et prévisibles. Toutefois, comment gère-t-on un processus ou un système en constant état de changement? Essayer de le faire pourrait brûler beaucoup d’énergie et en bout de compte, ne faire qu’empirer les choses.

Voilà pourquoi faire face à l'innovation sociale nécessite des approches spécifiques. Si des gestionnaires gouvernementaux essaient de gérer l'incertitude inhérente à l'innovation avec des outils et une pensée conçus pour la certitude, ils pourraient avoir des ennuis.

Le moyen le plus efficace pour faire face à l'incertitude inhérente à l'innovation est d’appliquer un processus d'apprentissage qui confronte systématiquement l'inconnu avec de nouvelles hypothèses et expérimentation, ce qui crée finalement une nouvelle connaissance.

Disruptive innovation
Au U.S. Department of State, il est beaucoup question de ‘disruptive technology’, ou technologie de rupture. Je n’aime pas du tout cette expression, je la trouve négative. Elle pourrait faire peur aux équipes de travail et aux employés gouvernementaux. ‘Disruptive innovation’ n’est guère mieux, à mon avis, parce qu’il y a encore le mot ‘disruptive’ dans l’expression.

Attardons-nous sur des synonymes de ‘disruptive’: disorderly, distracting, disturbing, off-base, out-of-line, out-of-order, rowdy, troublemaking, troublesome, unsettling, upsetting. En français, ce mot se traduit par «perturbateur». Il s’agit d’un mot à connotation négative.

Si vous étiez n’importe quel employé gouvernemental, et qu’on vous présentait cette expression de «technologie perturbatrice», quelle serait votre réaction initiale? Vous reculeriez sur votre chaise. Vous auriez peur. Vous seriez rébarbatif à tout ce qui se dirait à ce sujet par la suite, et il s’inscrirait dans votre esprit une attitude rebutante face à cette nouveauté. Personnellement, je trouve qu’il s’agit d’une idée épouvantable que d’appeler les médias sociaux et une façon de penser de cette manière.

Madame Lovisa Williams a défini ‘disruptive technology’ en novembre 2010 (lors d’une entrevue à Gov20Radio) comme étant «tout ce qui perturbe la façon dont vous pensez et comment vous travaillez».

Penser différemment
Renversons cela en positif, et on obtient: «Tout ce qui contribue à percevoir différemment, enlever les limitations et modifier la manière dont vous travaillez».

Madame Williams a donné en exemple la messagerie texte, les vidéos ainsi que les outils multimédia. «Repenser notre façon de concevoir le travail que nous faisons, les processus, ainsi que notre mission. Perturber la nature même de la façon dont les gens font ce travail.»

Cela va donc au-delà des médias sociaux. On entre dans une forme différente de pensée. La pensée iconoclaste.

Avec la volonté d’implanter une gouvernance ouverte, on dit adieu à l’ancienne forme verticale monolithique de gestion gouvernementale. Il faut couper le plancher sous nos pieds et réinventer la manière dont s’effectue le travail et les relations avec les gens.

Le neuroscientifique Gregory Berns, dans son livre Iconoclasts, explique en quoi consiste penser différemment. Il est possible d’entraîner son cerveau à entrevoir les choses différemment et cela a un effet libérateur sur la créativité.

«Les iconoclastes sont en mesure de faire des choses que les autres disent ne peut être faites, parce que les iconoclastes perçoivent les choses différemment des autres. Cette différence de perception joue un rôle crucial dans les premières étapes d'une idée. Cela influe sur la façon dont les iconoclastes gèrent leurs craintes, et cela se manifeste dans la façon dont ils présentent leurs idées aux masses de non-iconoclastes», indique Berns.

Comment les gens différents pensent et se comportent peut s’expliquer par la façon dont fonctionne les connections dans leur cerveau. Par conséquent, alors que la plupart d'entre nous pensent que les iconoclastes sont des gens qui sont différents des autres parce qu’ils disent que des choses différentes peuvent être accomplies, Gregory Berns est plus spécifique. Il dit que le cerveau de l'iconoclaste est différent - de trois manières différentes: la perception, la réaction à la peur, et l'intelligence sociale.

Par conséquent, une pensée iconoclaste dans un contexte de gouvernement ouvert est un atout de taille.

Plongez et expérimentez!
Lorsque dans une situation d’innovation, vous ne pouvez pas tout comprendre à l’avance et vous en tenir à un plan. N'attendez pas! Plongez! Expérimentez! Apprenez et ajustez-vous au fur et à mesure. Voilà pourquoi les innovateurs qui réussissent sont habitués d’aller de l’avant, de bifurquer sur le côté, de marcher sur des chemins parallèles pendant un certain temps, avant de se consolider, puis d’aller de nouveau de l’avant.

Il devient possible de comprendre un changement quand vous comprenez ce qu'il a créé. Adaptez-vous au jeu social en perpétuel changement.

La suite de ma réponse portera sur les leaders intrépides.

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