Blogue de Lyne Robichaud

10 septembre 2011

Les «Petits pieds du bonheur» et le gouvernement ouvert en Francophonie

Les leaders gouvernementaux de la France devraient s’inspirer de l’allégorie du long métrage d’animation «Les Petits pieds du bonheur» (Happy Feet) pour orienter leurs stratégies d’action vers une politique de gouvernement ouvert, et par le fait même, donner l’exemple des pays de la Francophonie.

Allégorie des «Petits pieds du bonheur»
Né dans une colonie de manchots qui trouvent l'âme sœur en chantant, Mumble est considéré comme ayant un handicap, étant donné qu’il ne peut sortir une note juste. Il fait en revanche des claquettes comme personne. [Il pense autrement des autres, il est un iconoclaste. Le cerveau des iconoclastes fonctionne de façon différente, ce qui leur confère une vision différente.] Banni par les siens à cause de sa différence, Mumble part en Terre d’Adélie.

Le malheur frappe la colonie de manchots, qui manque de vivres. Les poissons se font rares. [La communauté éprouve des difficultés économiques et les citoyens ressentent les effets d’une baisse de prospérité collective.] Mumble par à la recherche des «extra-terrestres» qui volent le poisson. Il fera des découvertes sur tous les aspects de sa vie et sur sa destinée.

Mumble affronte les flots et traverse seul une vaste étendue d’eau. Affaibli, échoué sur une berge étrangère, il est recueilli par les autorités. [Un gouvernement étranger lui accorde son soutien et veille à assurer ses besoins financiers.] Sa différence est vite repérée et ses talents sont reconnus. Les autorités étrangères tentent de déchiffrer son message. En accompagnant Mumble dans sa colonie d’origine, les autorités étrangères permettent à tous les membres de la collectivité d’apprendre à danser la claquette comme Mumble et à s’exprimer d’une «voix» unifiée.

Selon le neuroscientifique Dr Gregory Berns, dans le livre 'Iconoclasts':
"No organization can survive without iconoclasts -- innovators who single-handedly upturn conventional wisdom and manage to achieve what so many others deem impossible.

Though indispensable, true iconoclasts are few and far between. In Iconoclast, neuroscientist Gregory Berns explains why. He explores the constraints the human brain places on innovative thinking, including fear of failure, the urge to conform, and the tendency to interpret sensory information in familiar ways."
Absence de gouvernement ouvert dans les États leaders de la Francophonie
Aucun pays développé de la Francophonie n’est encore sérieusement impliqué dans une démarche démontrant qu’il est en voie de devenir un gouvernement ouvert.

Le Québec n’est pas un pays, mais il a un statut de membre au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie, tout comme le Nouveau-Brunswick.

Le gouvernement du Québec a statué négativement le 1er septembre 2011 sur le projet Gouvernement ouvert et Francophonie. Le député Jean-Paul Diamond a déclaré: «Il n’y a pas de solutions. Il n’y a rien au gouvernement du Québec qui puisse permettre le démarrage de ce projet», fermant ainsi définitivement la porte (du moins à court et moyen terme) à tout espoir de collaboration.

Bien que le Canada fasse partie de la vingtaine de pays qui se sont proposés à ce jour pour rejoindre le Open Government Partnership http://www.huffingtonpost.com/alexander-howard/international-open-govern_b_950967.html (dont le comité des parties prenantes sera co-piloté par les États-Unis et le Brésil pendant la première année d’activités), l’absence de mention en public de questions concernant le gouvernement ouvert par le premier ministre du Québec et les autres décideurs gouvernementaux dénote un manque flagrant d’intérêt par les autorités québécoises, et limite la participation francophone à l’OGP (par le biais du Canada). À noter que quelques pays ayant le français en partage membres de l’OIF, font partie de la vingtaine de pays à participer à l’OGP.

Des intervenants de la sphère du gouvernement ouvert en France m’ont informée que la République française aurait décliné l’invitation d’une participation à l’OGP.

Visite au Québec du ministre français chargé de l’économie numérique

Cette semaine, le ministre Éric Besson, ministre chargé de l'Industrie, de l'Énergie et de l'Économie numérique, était en «déplacement au Québec, consacré aux opportunités de partenariats industriels dans le cadre du Plan Nord québécois», et qui devait culminer par «jeter les bases de ce qui pourrait être un partenariat spécifique entre le Québec et la France». Consultez son agenda pour connaître les détails de sa visite: http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/11400.pdf. Voir aussi l’article «La France s'intéresse à "l'Eldorado" du Nord québécois» http://www.google.com/hostednews/afp/article/ALeqM5gw7UTBHzZsOTmojf9SYJCN6Ahyxw?docId=CNG.e90f5a7d78f4df301e94b4c7108d7117.61

Il est regrettable que le gouvernement du Québec n’ait pas profité de cette visite pour discuter, ne serait-ce que quinze minutes, des opportunités de développement et de partenariat en lien avec des perspectives de gouvernement ouvert.

Bien que la consultation sur le potentiel du Web 2.0 ait été commandée par le premier ministre Jean Charest, responsable des dossiers jeunesse, en octobre 2010, le premier ministre n’en a pas encore glissé un mot publiquement.

La visite au Québec du ministre Éric Besson aurait été une occasion extraordinaire pour le premier ministre de démontrer un soutien aux travaux d’une équipe de près d'une vingtaine de gestionnaires gouvernementaux, pilotée par le leader parlementaire adjoint, Henri-François Gautrin, qui se consacreront pendant 15 mois à dégager des orientations et à proposer des recommandations. Il aurait été des plus intéressants de découvrir quels sont les idées partagées par le premier ministre et le ministre chargé de l’Économie numérique au sujet des données ouvertes et du gouvernement ouvert.

Le 1er septembre 2011, le ministre Éric Besson a fourni de nouveaux détails au sujet de la prochaine stratégie numérique du gouvernement. http://www.clubic.com/internet/actualite-443724-france-numerique-2020-gouvernement-ouvre-consultations.html Le ministre a affirmé que «ce plan prévoyait 154 actions concrètes, dont 80% ont d'ores et déjà été mises en œuvre».

Un déplacement du premier ministre Jean Charest est prévu le mois prochain en France. Michel Viatteau de APF a rapporté hier que «le Premier ministre français François Fillon devait recevoir début octobre le Premier ministre québécois Jean Charest.»

Il n’est pas trop tard pour discuter de perspectives de gouvernement ouvert.

Cependant, le premier ministre Jean Charest «a exclu jeudi la possibilité de tenir des votes libres sur des projets de loi, craignant que cela ne crée trop d'instabilité», rapportait le 8 septembre la Presse canadienne. http://www.985fm.ca/national/nouvelles/jean-charest-craint-l-instabilite-que-des-votes-li-95544.html Voir aussi «Vote libre: mauvais pour l’économie» http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201109/08/01-4432657-vote-libre-mauvais-pour-leconomie-dit-charest.php

Huit personnes signaient dans Le Soleil l’article «Les Québécois en ont marre de la vieille politique». http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/opinions/points-de-vue/201109/08/01-4432724-les-quebecois-en-ont-marre-de-la-vieille-politique.php
«Le cynisme et le désintérêt pour la chose publique sont une conséquence directe de l'impression qu'une majorité de votes sont gaspillés à chaque élection, et que des candidats intéressants se transforment en perroquets serviles une fois élus.
À l'âge de l'information et de l'autorité diffuses, on ne peut plus espérer dicter sa volonté à des masses dociles. On n'attirera jamais de personnalités fortes et indépendantes en politique en leur promettant le musellement partisan, et on ne convaincra pas les jeunes (et les moins jeunes) de voter tant qu'on ne garantira pas que chaque vote compte.
Les partis qui s'accrocheront aux anciennes façons de faire -- des pratiques qui déconsidèrent la politique dans ce qu'elle a de noble et d'inspirant -- auront l'air de ce qu'ils sont: des vieux partis.
Et les Québécois en ont marre de la vieille politique.»
Ce qui peut accorder davantage de démocratie devrait être accueilli avec une meilleure considération, étant donné la problématique de désengagement des citoyens face aux politiques.

La réaction du premier ministre Jean Charest concernant le vote libre a de quoi nous interroger sérieusement sur ce qu’il pense du gouvernement ouvert, et quel est son degré de crainte d’instabilité économique face aux changements à effectuer dans ce domaine.

Suite à la déclaration sur le vote libre du premier ministre, le fil de discussions Twitter de @GautrinWeb2 enregistre une baisse d’activité. Malgré un effort de l’équipe pour remettre l’accent sur les travaux, par le biais d’un second billet de blogue portant sur «Le quoi, le pourquoi et le comment de notre rapport», https://www.facebook.com/notes/consultation-publique-gautrin-web-20/le-quoi-le-pourquoi-et-le-comment-de-notre-rapport/239072756138426 le cœur n’y est plus. Une perte de sens, par l’aliénation de l’espoir des citoyens, vient miner encore davantage les travaux d’analyse de l’équipe Gautrin.

Le projet Gouvernement ouvert et Francophonie présenté au ministre Besson
Le 8 septembre, via Twitter http://twitter.com/#!/Eric_Besson/status/111874829380091904, le ministre Éric Besson a eu l’amabilité d’accepter de recevoir les détails du projet Gouvernement ouvert et Francophonie.

De nombreux observateurs de partout dans le monde sont suspendus aux lèvres du ministre Éric Besson et attendent de voir de quelle manière il recevra le projet, et ce qu’il proposera. Nous espérons tous qu’il propose quelque chose. Puisque le Québec n’a pas osé s’aventurer vers de nouveaux horizons, la balle est dans le camp de la France.

Espèrons que l’allégorie de Mumble du long métrage «Les Petits pieds du bonheur» fera réfléchir le ministre Éric Besson et ses collègues, et que cela les poussera à faire preuve de sagesse et d’indulgence envers les personnes qui dansent de la claquette et pensent autrement des autres.

Le projet Gouvernement ouvert et Francophonie, un projet de partenariat international qui permettrait le déploiement et développement de la gouvernance ouverte à travers la Francophonie, pourrait être complémentaire à l’Open Government Partnership. Un pays francophone développé membre de l’OIF s’engageant sérieusement vers une politique de gouvernement ouvert donnerait l’exemple et serait en mesure de convaincre d’autres pays de la Francophonie de participer à un effort mondial vers une plus grande transparence, participation et collaboration avec les citoyens.

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