Blogue de Lyne Robichaud

09 mai 2011

L'état techno-cancre, le déni et la «déconnexion totale»

Dans sa chronique intitulée «Québec, l'état techno-cancre», Pierre Bergeron du quotidien Le Droit, indique que «le verdict du vérificateur général du Québec, Renaud Lachance, est sans appel. L'informatisation du réseau québécois de la santé ou le projet Dossier santé du Québec (DSQ) est un échec sur toute la ligne

Le second tome du rapport du vérificateur général a été déposé il y a quelques jours. Les propos du ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc, ne cessent de me tracasser.

Le ministre a du toupet! Ses commentaires ne collent pas avec les déclarations du vérificateur général, qui s'appuie sur des données: preuves justificatives, statistiques, etc. Il s'agit ici des données du gouvernement du Québec. On a l'impression que le ministre Bolduc est tellement déconnecté qu'il parle d'un autre gouvernement.

Déni et désinvolture
En psychanalyse, le déni est le refus d'admettre une réalité qui est perçue comme traumatisante. Il y a deux façons de déjouer la règle, par une exactitude qui frise l'insolence, ou par une désinvolture proche de la muflerie.

L'acte de déni refuse de prendre en charge certaines perceptions: un fragment, éventuellement important, de la réalité, se voit totalement ignoré; la personne qui dénie se comporte comme si cette réalité n'existait simplement pas, alors qu'elle la perçoit.

En philosophie, la désinvolture est le déni de la vérité et celui de la responsabilité singulière, puisque c’est à être sans recours qu’on est vraiment responsable. L’extrême, qui est le lieu de la vérité, est par là même le lieu de la responsabilité – ou inversement. La désinvolture, qui consiste à faire comme si la vérité ne comptait pas, est par conséquent toujours désinvolture envers la responsabilité.

Déconnexion totale
Pierre Bergeron utilise l'expression «déconnexion totale» pour décrire la situation (et il applique cela à l'ensemble du gouvernement): «Au Québec, ce qui est le plus troublant, c'est de constater la déconnexion totale entre la vision du gouvernement et celle du vérificateur général. Le 22 mars dernier, le ministre Bolduc déclarait: «Le développement de la plupart des composantes du Dossier de santé du Québec est maintenant parvenu à maturité

Les travaux du vérificateur général du Québec m'apparaissent - compte tenu de l'absence de gouvernement ouvert au Québec - comme étant ce qu'il y a de plus près de ce que devrait être une initiative de gouvernement ouvert. Grâce à ses rapports et à ses commentaires, le vérificateur général exerce un regard beaucoup plus serré depuis quelque temps sur les projets du gouvernement et les dépassements de coûts qui surviennent. Il fournit une certaine vision d'ensemble et quelques informations (bien que les données ne soient pas toutes disponibles). Il met en évidence ce qui a été prévu par le gouvernement, et il compare cela avec ce qui se produit dans la réalité.

Humilité et responsabilisation
La semaine dernière, le député adéquiste François Bonnardel a demandé au gouvernement de faire preuve d’humilité et de reconnaître qu’il s’est trompé sur toute la ligne dans ce dossier.

Si les données gouvernementales étaient libérées et publiées sur un portail de données ouvertes, il y aurait moins de déni, de désinvolture et de «déconnexion totale», puisque tous auraient accès aux mêmes informations. Il deviendrait alors plus difficile de nier la réalité des données, puisque la réalité serait visible aux yeux de tous. Ministres, gestionnaires gouvernementaux et citoyens pourraient collaborer ensemble, dans l'humilité, et la reconnaissance de la réalité, et ainsi générer de la responsabilisation.

Dans ses travaux d'analyse du potentiel du Web 2.0 pour améliorer les relations entre le gouvernement et les citoyens, le leader parlementaire adjoint, Henri-François Gautrin, devrait recommander un changement d'attitude chez les ministres et les hauts dirigeants du gouvernement. Le déni, la désinvolture, la «déconnexion totale» (au sens figuré, et dans l'espace virtuel également), sont des comportement difficilement conjuguables avec des notions telles que l'amélioration des relations et la libération des données.

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