Blogue de Lyne Robichaud

04 janvier 2009

Les préparatifs pandémiques comparés à la tâche de Sisyphe

Sisyphe, par Franz von Stuck, 1920. Source

Dans la mythologie grecque, Sisyphe, fils d’Éole et fondateur de Corinthe, a dénoncé Zeus qui avait enlevé une jeune vierge, la fille d’Asope. Pour le punir, Zeus l’a condamné à rouler éternellement, dans le Tartare, un rocher au sommet d’une montagne sans jamais y parvenir: à peine Sisyphe arrive-t-il près de son but que le rocher roule vers le bas, et tout est à recommencer...

Dans un article publié le 1er janvier 2009, Helen Branswell rapporte les propos de Keiji Fukuda, à la tête du programme global d’influenza de l’Organisation mondiale de la santé:

«Et si nous commençons à baisser la garde et déplaçons notre attention sur quelque chose d’autre qui soit complètement différent, alors nous risquons vraiment de perdre beaucoup de travail, qui a été construit au cours des quatre dernières années.»

«Faire ceci [les préparatifs pandémiques] encore et encore est véritablement… c’est comme si nous étions Sisyphe,» a-t-il comparé, en faisant référence au mythe grecque d’un personnage condamné à une tâche que ne peut jamais être complétée.


Photo: AP, par Jacques Brinon. Source

Ces propos contrastent avec ceux de David Nabarro, coordonnateur senior de l’influenza pour les Nations Unies, prononcés le 13 novembre dernier lors d’une conférence au Centre for Stategies and International Studies. David Nabarro a indiqué avoir évalué que l’état de préparation mondial de pandémie s’élève à environ 40% de l’objectif global (d’après le nombre de nations ayant testé leurs plans de lutte).

De quelle manière devons-nous interpréter la métaphore de Keiji Fukuda? Nous traversons une crise économique, et dans ce contexte, le premier gestionnaire de l’ONU ne cachait pas son inquiétude à propos du maintient des budgets des nations dédiés aux préparatifs en vue d’une pandémie.

Si les gestionnaires des agences onusiennes ne réussissent pas à faire renouveler les enveloppes budgétaires, et à convaincre les nations à continuer d'investir dans des activités locales de préparatifs pandémiques, le travail des quatre dernières années sera-t-il à recommencer?

Le mois dernier, je me suis entretenue au téléphone avec une responsable des maladies infectieuses au gouvernement du Québec. Quand je lui ai parlé des recommandations de préparatifs multisectoriels (sociaux) publiées dans le 4e Rapport intérimaire mondial sur la gestion de la grippe aviaire, elle m’a dit ne pas être au courant de ce document. Mais elle a affirmé, toutefois «Le Québec n’a pas besoin de faire d’autres préparatifs dans le domaine social. Nous avons fait tout cela déjà, l’an dernier.» J’étais stupéfiée d’entendre que le Québec aurait devancé de plusieurs années les directives des agences onusiennes. Ben voyons donc!

Tout de même, cette réaction du gouvernement du Québec donne un bon aperçu du genre de réponse que recevront les gestionnaires de pandémie des agences onusiennes.

Si les plus hauts gestionnaires comparent désormais les préparatifs pandémiques à la tâche jamais complétée de Sisyphe, ce rapprochement du Panthéon de l’Olympe ne me plait guère. Beaucoup moins, en fait, que la nouvelle de l’ascension à la 44ième position de la liste de l’élite globale de Newsweek. On sait que Margaret Chan, la directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé, avait réussi à se hisser dans cette liste sélective des 50 personnes les plus puissantes au monde.

Que penser de cette tâche de Sisyphe? David Nabarro planifiait de faire augmenter les préparatifs pandémiques à 60%, voire 70%, de l’objectif global d’ici à la tenue de la prochaine réunion ministérielle sur la gestion de pandémie. Le pourcentage de l’état global des préparatifs chutera-t-il en 2009?

Il va falloir faire preuve d'un leadership extrêmement fort, et maintenu dans le temps, pour réussir ce tour de force.

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