Vous devinerez sans doute que j’ai passé plusieurs heures cette semaine à observer les événements et à lire les commentaires entourant la visite du président américain Barack Obama au Canada (jeudi, le 19 février 2009). J’essaie d’assimiler un maximum d’information afin de tenter de me faire une idée de comment les changements aux dynamiques de la politique étrangère pourrait éventuellement influencer les politiques des préparatifs pandémiques.
Naturellement, il n’a pas été question une seule fois de pandémie. Ce n’est guère un sujet à la mode... Ce n’était donc pas à l’ordre du jour, et ce mot n’a pas non plus été prononcé par quelque analyste politique que ce soit. Nous avons beaucoup entendu parler de coopération économique, de coopération transfrontalière en matière de protection de l'environnement et de sécurité frontalière. Le dossier de l'Afghanistan faisait également partie des discussions.
Même si la question de pandémie n’a pas été abordée, de nombreux éléments sont à considérer, qui affecteront la gestion de pandémie.
Recherche et technologie
Vincent Marissal, de La Presse, dans son analyse des profondes différences entre les deux chefs (Stephen Harper et Barack Obama), a noté la disparité de vision concernant la recherche et la technologie, ce qui aura un impact sur les préparatifs pandémiques:
«Aux États-Unis, le président Obama a promis de débloquer d'importantes sommes pour la recherche et les nouvelles technologies, une priorité nationale, a-t-il dit dans son discours inaugural.La recherche des points communs ont fait plutôt saillir les différences
Ici, la communauté scientifique crie famine devant les miettes des programmes du gouvernement conservateur.
Les scientifiques canadiens affirment même que le manque de fonds risque de pousser nos meilleurs cerveaux aux... États-Unis. Voilà qui réjouira sans doute le président Obama.»
Celles et ceux qui ont fait le cours de diplomatie 101 savent qu’il faut toujours s’efforcer de trouver (ou faire semblant de trouver) des points communs. Même si la personne en face de nous nous fait hérisser le poil des jambes.
Or, le gouvernement de Stephen Harper - fortement porté sur le dogmatisme - et la vision de Barack Obama, sont tellement différents que les efforts qui ont été déployés cette semaine pour leur trouver des points en commun ont plutôt eu pour effet de souligner leurs divergences.
Une personne qui s’est donné un mal de chien à tenter de nous convaincre que ces deux hommes étaient semblables, est John Parisella. Dans une entrevue de John Parisella effectuée par Simon Durivage, diffusée le 18 février 2009 à 11h20 sur les ondes de Radio-Canada (que j’ai eu bien du mal à écouter parce que je n’arrêtais pas de fixer la chevelure très passablement ébouriffée du conseiller en communications), M. Parisella a déclaré que les deux chefs de pays avaient beaucoup de points en commun. «Ils sont du même âge, ils ont deux enfants, et tous les deux religieux sur le plan personnel. M. Harper est considéré comme un homme très cérébral. La droite canadienne est quasiment située au centre américain. M. Obama, qui a commencé sa campagne à gauche, est devenu plus centriste par la suite.»
Lise Payette, dans Le Devoir, comme toujours, ne s’est pas gênée pour dire ce qu’elle pense. «Deux hommes aussi différents qu'on puisse les imaginer se sont rencontrés. Le président Obama ouvert et disponible, le premier ministre du Canada fermé comme une huître et méfiant sans bon sens. Comment ont-ils fait pour se parler?»
D’autres sont même allés jusqu’à analyser la démarche des deux chefs d’État. Richard Cléroux de l’Hebdo Rive Nord, a souligné les différences:
«Cette semaine la différence entre les deux hommes était particulièrement évidente. Même quand ils marchaient ensemble. Obama y allait de grandes enjambés, confiant, regardant en haut et en bas pendant que Harper se dandinait maladroitement, comme un canard en couche-culotte.
La popularité des deux hommes est bien différente. Un récent sondage révèle que 82% des Canadiens sont d’accord avec ce qu’Obama fait pour l’économie contre 26% pour Harper.
Harper est prévisible. Il ne fait rien en public sans que le scénario soit soigneusement préparé d’avance, et contrôler jusqu’au plus petit détail. Lors de sa visite cette semaine Obama s’est esquivé au Marché By à Ottawa, pendant quelques minutes, à la grande consternation de ses gardiens de sécurité. C’était pour acheter des biscuits feuille d’érable, un régale pour ses deux filles qu’il gâte avec des friandises partout ou il passe. Chez Grant Hooker, Obama a goûté à la spécialité de la maison, une «queue de castor.»
Mais ce qui est plus dur à avaler c’est la mesquinerie de Harper autour de la visite. Harper avait peur de se faire voler la vedette par la Gouverneure-générale Michaëlle Jean ou par le Leader Libéral Michael Ignatieff, ami intime de plusieurs conseillers d’Obama. Incapable d’empêcher ses rencontres, Harper avait toutefois interdit les photos.
Lors de la conférence de presse Harper a fait semblant que ça fait longtemps qu’il est en faveur de combattre les gaz à effet de serre et les changements climatiques. Obama lui fit un large sourire, et l’a remercié poliment.»
À peu près le monde s’entend pour dire que le premier ministre Stephen Harper a passé le test. Néanmoins, ce ne sera que plus tard que nous saurons si le Canada et les États-Unis réussiront réellement à s’entendre. Nous verrons dans les semaines et les mois à venir - et c'est peut-être ce qui est le plus important - de quelle nature est la relation personnelle que le président et le premier ministre auront établie.
Le Québec n’a pas d’entrées auprès de l’administration Obama
Lise Payette fait remarquer que le gouvernement du Québec ne s’est pas positionné auprès de gens gravitant dans l’entourage de Barack Obama lors de la campagne présidentielle. Nous nous retrouvons donc complètement isolés, et à la merci des acteurs fédéraux pour représenter le Québec auprès du gouvernement des États-Unis.
Pour le dossier des préparatifs pandémiques, l’absence de diplomatie québécoise est flagrant. Le Québec gagnerait à être plus présent sur la scène internationale, en multipliant les relations avec des planificateurs d’autres nations. Les responsables du Québec sont perdus dans leur bulle, et je ne suis pas la seule à trouver que ce soit dangereux.
Voici ce que Lise Payette a écrit dans Le Devoir:
«Cette visite, hier, à Ottawa, devrait nous inciter à nous questionner sur certaines informations qui ont filtré. Notre premier ministre Jean Charest aurait téléphoné à Stephen Harper pour lui demander d'agir comme une sorte de lobbyiste pour le Québec auprès d'Obama (concernant notre production d'hydroélectricité, dont nous aimerions vendre certaines quantités aux USA).
Qui mieux que M. Harper pour défendre les intérêts économiques du Québec?, s'est-il dit. [Ici, la journaliste fait du sarcasme.] Je l'avoue, quand j'ai appris la nouvelle dans les journaux, ça m'a fait sourire.
Personnellement, je ferais plus confiance à son fameux Blackberry pour lui transmettre la bonne nouvelle qu'au chef du Parti conservateur du Canada, qui aurait été naturellement plus proche de l'autre candidat à la présidence américaine, John McCain, et qui doit craindre Obama comme la peste.
Le Québec n'a personne qui gravite autour du président Obama. Personne n'a prévu d'établir un contact avec son personnel ou son entourage pendant la campagne électorale? Pourtant, tout le monde savait au gouvernement du Québec qu'il se préparait un changement de la garde à Washington et malgré tout, personne n'a bougé?
Nos diplomates québécois ont continué de ronronner, les bras croisés, alors que nous avons quelques délégations à travers le monde qui devraient justement servir à nous positionner auprès d'un nouveau président américain avec lequel nous avons beaucoup plus d'affinités naturelles que le précédent. Je me décourage chaque fois que je constate que nous agissons comme des amateurs dans des domaines où nous devrions commencer à avoir une certaine compétence.
Comment ferons-nous pour faire savoir au président Obama que nous existons? Qu'une nation différente continue de se développer dans cette Amérique du Nord malgré les embûches et qu'une partie de sa population aspire à l'indépendance dans la paix et le respect d'autrui?
Y a-t-il un diplomate dans la salle? Un vrai.»
Absence de transparence et «control freak»
Un autre aspect important qui ressort de la visite de Barack Obama au Canada est la question de l'absence de transparence et de l’excès de contrôle exercé par le premier ministre Stephen Harper.
«Pendant que CNN donnait aux Américains l'ordre du jour complet de la visite officielle à Ottawa en incluant les noms de tous ceux qui seraient présents, le premier ministre du Canada a refusé l'information aux journalistes d'ici, selon son habitude, et a tenu à garder tous les détails secrets jusqu'à la dernière minute,» a indiqué Lise Payette.
«Depuis qu'il a pris le pouvoir en janvier 2006, Stephen Harper a pris un soin jaloux à concentrer tous les pouvoirs autour de lui. Cette centralisation du pouvoir, de l'image et du message lui a permis d'éviter les dérapages et de s'assurer d'une certaine cohérence de la vision au détriment d'une plus grande collégialité de son administration. Les ratés de la dernière élection ont démontré les limites d'une telle approche et les vertus de l'écoute active», a expliqué Pierre Bergeron, dans Le Droit, au début du mois de février 2009.
Il faut se demander (encore une fois) si la métamorphose du gouvernement conservateur est éphémère - le temps d’une brève visite présidentielle - ou si elle durera. Nous avons eu droit à la conversion de Stephen Harper, en termes économiques, parce qu’il était sous la menace d’un renversement de son équipe par une coalition. Cette conversion-là fut forcée, elle n’était pas sincère.
Maintenant, il est question d’un retournement de 180 degrés à la position des Conservateurs dans le dossier de l’environnement. Vincent Marissal pose, avec raison, la question suivante: «La conversion de Stephen Harper est-elle sincère ou ne fait-il que se coller sur Barack Obama, sachant qu'il risque de se retrouver isolé sur la scène internationale et même devant son propre électorat?»
S’il s’amorce en apparence un revirement spectaculaire dans le dossier des changements climatiques, pouvons-nous espérer des changements notables à la gestion des préparatifs pandémiques? Le Canada est considéré comme étant le pays développé le moins bien préparé à faire face à une pandémie, ne l'oublions pas.
Le retard épouvantable du Canada dans bien des dossiers
Barack Obama n'a pas parlé du bilan extrêmement pauvre du Canada en matière de lutte contre les changements climatiques. Au contraire, il a vanté la valeur d'une «approche commune dans cette lutte».
J’espère qu’un jour prochain, nous entendrons parler également d’une «approche commune dans la lutte» contre une pandémie.
Les paroles suivantes sont miraculeusement sorties cette semaine de la bouche du premier ministre canadien: «Les changements climatiques représentent le plus grand défi de la prochaine décennie».
Qui sait, peut-être entendrons-nous aussi: «Les préparatifs pandémiques représentent le plus grand défi des prochaines années». On peut toujours rêver.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire