Blogue de Lyne Robichaud

20 février 2009

L’Indonésie, dans la mire d’Obama, en tant qu’allié

La secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton. Photo source

Alors que le président des États-Unis, Barack Obama, effectuait aujourd’hui (19 février 2009) une brève visite de travail au Canada, la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, est en tournée inaugurale en Asie. «J’ai choisi l’Asie pour mon premier voyage en tant que secrétaire d’Etat afin de montrer que les relations de l’Amérique avec l’autre côté du Pacifique sont indispensables pour faire face aux défis et saisir les opportunités du XXIe siècle», a-t-elle déclaré, rapporte Libération.

Les États-Unis ont nommé un gros canon à la tête de leur politique étrangère. La chef de la diplomatie américaine est une femme qu'un grand nombre d'Américains auraient choisie comme présidente. Hillary Clinton nous a averti que pour l’administration Obama, la diplomatie allait désormais reprendre ses droits, aux côtés des outils économiques, politiques, juridiques et culturels.

Ce qui signifie que le smart power - la «puissance intelligente», en quelque sorte - sera de nouveau le mot d'ordre.

Hillary Clinton a tendu la main à l’Indonésie. «L'Indonésie serait un bon partenaire des États-Unis pour tisser des liens avec le monde musulman,» a-t-elle déclaré.

Elle a souligné que Washington était déterminé à établir un nouveau partenariat renforcé avec Djakarta. Les États-Unis ont indiqué qu’ils considèrent que l’Indonésie devrait «aider les deux pays à faire face à des problèmes pressants, comme la crise économique ou les changements climatiques

Les préparatifs pandémiques n’ont pas été mentionnés, à ma connaissance, dans les articles de presse publiés à propos de la visite de Hillary Clinton en Indonésie.

Toutefois, si les États-Unis réussissent à se faire un allié de l’Indonésie, cela pourrait avoir un impact positif considérable sur les préparatifs pandémiques, étant donné que l'Indonésie est le pays le plus touché au monde par la grippe aviaire, et qu'il cumule le plus grand nombre de cas humains d'infection et de décès.

Il faudrait se demander cependant si des comportements compromettants dans le dossier des préparatifs pandémiques pourront continuer d'être tolérés (par les deux pays). Pendant la majeure partie de l’année 2008, la ministre indonésienne de la Santé, Siti Fadilah Supari, s’est démarquée par ses déclarations contre les États-Unis. Elle a même écrit un livre, Saatnya Berubah, Tangan Tuhan Dibalik Bird Flu (Il est temps de changer, la main divine derrière la grippe aviaire), dans lequel elle a allégué que Washington utilisait des échantillons de grippe aviaire partagés par des pays touchés par cette maladie pour créer des armes biologiques.

Je me suis longtemps étonnée que le président de l’Indonésie, Susilo Bambang Yudhoyono, ait laissé sa ministre de la Santé publier un tel ouvrage et répéter à de très nombreuses reprises, pendant des mois, que les États-Unis cherchaient à propager l’influenza aviaire ou à causer du tort à la vie humaine par l’utilisation d’armes biologiques du virus de la grippe aviaire.

Ce discours politique servait sans doute à quelque chose et à quelqu'un. Des élections présidentielles auront lieu prochainement en Indonésie. Le pays se prépare à de nouvelles élections législatives, en avril, et une élection présidentielle, en juillet 2009. Étant donné que les États-Unis ont changé d’administration, cela aura certainement une incidence sur les stratégies de campagne électorale de politiciens indonésiens, puisque le président Barack Obama jouit d’une l'immense popularité en Indonésie. De nombreux Indonésiens considèrent quasiment Barack Obama comme l'un des leurs, pour y avoir vécu enfant de 1967 à 1971, après le remariage de sa mère avec un Indonésien.

Selon Hillary Clinton, l'Indonésie aurait un «rôle moteur» à jouer dans la promotion des «valeurs» défendues par l’administration de Barack Obama.

Mais la promesse d'une présence américaine plus dynamique dans les institutions multilatérales s'accompagnera certainement de conditions. Le Devoir a rapporté les propos prononcés par Joe Biden (vice-président des États-Unis) la semaine dernière: «L'Amérique en fera plus. Voilà la bonne nouvelle. La mauvaise nouvelle, cependant, est que l'Amérique demandera à ses partenaires d'en faire davantage

Des conditions pourraient-elles être énoncées éventuellement? Les préparatifs pandémiques pourraient-ils se retrouver dans ce deal?

Siti Fadilah Supari. Photo source

Cela pourrait ne pas du tout être lié au timing du contexte de la présente tournée inaugurale en Asie de la chef de la diplomatie américaine, mais nous avons été informés cette semaine – justement – que la ministre indonésienne de la Santé, Sidi Fadilah Supari, sera bientôt convoquée comme témoin dans une enquête sur des allégations de corruption au sein du ministère de la Santé, par la Commission d'éradication de la corruption.

Depuis 1998, un total de 128 milliards de Rp – soit 10,88 millions de dollars - du budget du ministère indonésien de la Santé, auraient été détournés.

Le quotidien 7sur7 Belgique a rapporté que le 16 février 2009, l'ex-gouverneur de la banque centrale d'Indonésie a été condamné en appel à cinq ans et demi de prison dans une affaire de corruption. Burhanuddin Abdullah a été jugé pour avoir, avec d'autres responsables de la banque centrale, détourné quelque 10,3 millions de dollars pour distribution de pots-de-vin.

Notez qu’il s’agit quasiment du même montant des allégations portées contre la ministre Supari.

Si un gouverneur de banque a été condamné, quelles sont les chances que la ministre Supari le soit également?

Toutefois, le Figaro a rapporté le 11 février 2009 que le fils cadet de l’ancien président indonésien Suharto avait été blanchi d’accusations de corruption. Cette affaire impliquait un détournement présumé de 400 millions de dollars.

On parlait ici du fils de l'ex-président, et la somme d'argent impliquée était un peu plus rondelette.

La corruption est presque considérée comme une maladie en Indonésie, un pays qui se positionne au 143ième rang sur l’échelle de la transparence internationale, d’après BBC News. J’ai été étonnée d’apprendre que l’Indonésie se classe à peine quelques rangs avant le Zimbabwe.

Les incidences de corruption ne sont pas prêtes de disparaître. Le Jakarta Post a averti que la corruption pourrait continuer à grimper et que de nombreux autres décideurs indonésiens pourraient être pris dans des scandales de corruption, étant donné qu’aucune région du pays de n’est encore engagée à mettre en œuvre le plan d’action d’élimination de la corruption du président Susilo Bambang Yudhoyono.

Alors, qu'en pensez-vous? Les allégations de corruption portées contre la ministre de la Santé, Siti Fadilah Supari, surviennent-elles en pure coïncidence, ou se pourrait-il que ce qui se passe puisse avoir un petit quelque chose à voir avec le vent de changement qui souffle sur les politiques étrangères? En 2008, Mme Supari a fait la pluie et le beau temps, et personne n'a semblé avoir trouvé à redire contre elle au sein du cabinet du président Yudhoyono.

Mais les temps changent…

Les États-Unis ont maintenant un président qui maîtrise le bahasa (la langue parlée en Indonésie).

De gros changements sont déjà survenus (la fermeture de Guantanamo Bay, à Cuba, entre autres).

D’autres changements ont été promis.

Le secrétaire d'Etat indonésien, Hatta Radjasa, a estimé que l'Indonésie souhaite construire une relation ferme avec les États-Unis. «Nous devons saisir cette opportunité pour construire une relation ferme basée sur le respect mutuel qui nous sera bénéfique», a-t-il expliqué.

Et en novembre dernier, le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono a également fait appel, au cours d'une visite à Washington, à une «relation stratégique» avec les États-Unis.

Jonah Blank, le principal conseiller politique de l'Asie du Sud de la Commission sénatoriale des affaires étrangères, a déclaré que Barack Obama avait une «occasion en or» de faire de l'Indonésie un allié crucial des États-Unis.

Cette «occasion en or» pourrait-elle servir à d'autres sauces, comme aux préparatifs pandémiques?

Pourrions-nous espérer, dans le présent contexte politique annonçant des changements considérables aux politiques étrangères de nombreuses nations, que l’impasse concernant le partage des souches du virus de l’influenza aviaire - un véritable cul-de-sac international, où l’Indonésie et les États-Unis n’ont cessé de se chamailler sur arrière-fond de nouvelles concernant NAMRU-2 - soit enfin DÉNOUÉE au cours des prochains mois?

Aucun commentaire:

 
TwitterCounter for @Lyne_Robichaud