Fabrice Coffrini / AFP-Getty Images
L’année 2008 se termine en beauté, en confirmant au panthéon du pouvoir international un des membres les plus proéminents du milieu de la santé publique. Le magazine Newsweek a dressé sa liste de l’élite mondiale, dans laquelle la directrice générale de l’Organisation mondiale de la santé, Margaret Chan, est classée à la 44ième position (d’une liste de 50).
Je me réjouis que la directrice de l’OMS se retrouve dans cette liste très sélective de Newsweek. Cela confirme à quel point les questions de pandémie et d’épidémie de SRAS sont importantes en tant qu’événements marquants de notre planète. Toute personne (représentant un ensemble de personnes chapeautées par une organisation) arrivant à triompher dans une féroce bataille contre ces virus mortels contagieux devient nécessairement un personnage légendaire.
Voici ce que Newsweek a indiqué à propos de Margaret Chan:
[Traduction] «Avec la propagation mondiale des maladies devenant plus que jamais menaçante, Chan représente la première ligne de défense de notre monde. La leader bien branchée de l’Organisation mondiale de la santé est reconnue pour son intérêt pour les problématiques concernant les femmes et la santé africaine, alors qu’elle a de l’expérience dans le domaine des maladies émergentes. Lorsqu’elle était directrice de la santé de Hong Kong, elle a composé avec la grippe aviaire et avec le SRAS, arrivant ultimement à stopper le SRAS par l’abattage de la population d’un million et demi de volailles de la ville. Un de ses admirateurs la surnomme la «James Brown» de la santé publique mondiale en raison de son éthique de travail. Dans ses cercles, elle est certainement l’équivalent d’une rock star.»
Les luttes que livrent Margaret Chan sont admirables, et nous pouvons tous la remercier d’avoir évité de justesse – probablement à de nombreuses occasions - une pandémie dévastatrice.
Si Margaret Chan se classe en 44ième position de Newsweek, je suis d’avis que David Nabarro, le coordonnateur senior pour l’influenza aviaire et humain aux Nations Unies, mériterait lui aussi classement et honneur semblables.
S’il n’a pas livré de combat mémorable contre de dangereux virus, David Nabarro est néanmoins celui qui prépare les nations à livrer un futur combat contre une pandémie.
Il a dirigé dernièrement les travaux du Quatrième rapport intérimaire mondial sur la gestion de la grippe aviaire, réalisé par une équipe conjointe des Nations Unies et de la Banque mondiale.
Personnellement, je trouve que David Nabarro ressemble davantage à un gentleman qu’à une «rock star». Je ne sais pas s’il se met à chanter comme il a été rapporté que Margaret Chan le fait, lorsqu’elle sent que la tension monte lors des réunions! Il paraîtrait qu'elle aime aussi beaucoup le karaoké...
Lorsqu’il prend la parole en public, David Nabarro s’exprime lentement avec un charmant accent anglais, calmement, dans un langage souvent diplomatique. Mais néanmoins, il n’a pas peur de parler de ses préoccupations et de pointer les problématiques et les défis à relever.
David Nabarro. AFP/Getty Images. Photo source
Une des meilleures photographies de David Nabarro que j’ai vues a été prise par AFP/Getty Images: on y aperçoit le premier gestionnaire de pandémie en train de parler, le regard en biais, un peu inquiet. Nabarro est photographié directement sous un tableau de majestueux cygnes blancs. Le bleu cyan du logo des Nations Unies fait écho aux eaux turquoises du tableau. David Nabarro penche légèrement la tête, dans la même direction que les trois cygnes du tableau. Il arrive souvent que des cygnes soient infectés par l’influenza aviaire, et ce tableau m'apparaît en quelque sorte comme une métaphore du «Lac des cygnes». Toute la tragédie aviaire et humaine entourant les virus pandémiques pourrait être mise en scène, tel le ballet «Lac des cygnes» en quatre actes créé en 1877 pour le Bolchoï par Tchaïkovski, et connu pour sa fameuse danse solo de la mort du cygne. Cette photographie de ce personnage me plait beaucoup, et c’est celle que je conserve de lui dans mon esprit. Je l’imagine, tel un chorégraphe, préparant l’ensemble des nations à participer à une représentation magistrale d'un ballet.
Si vous vous en rappelez, le blogueur américain Scott McPherson a utilisé une métaphore semblable le 8 avril dernier, dans un billet intitulé «L’Orchestre symphonique de l’OMS joue-t-il l’Ouverture de la Phase Quatre?», où on entendait presque s’accorder les violons dans ce texte, comme cela se passe quelques minutes avant une représentation d'un des grands orchestres symphoniques ou opéras du monde.
La plupart du temps, David Nabarro n’a pas des nouvelles réjouissantes à annoncer et cela finit toujours plus ou moins par se résumer par «nous ne sommes pas suffisamment préparés», «il faut déployer davantage d’efforts», «préparez-vous à un grand choc économique», «il faut continuer à verser de l’argent pour maintenir les budgets de préparation à une pandémie.»
Ce sont des discours moins triomphants et enivrants que les victoires passées remportées par Margaret Chan contre des virus menaçants. Il est plus facile pour le public de visualiser la mise à mort de 1.5 millions de poulets, que de dépendre dans son esprit en quoi consistent exactement les préparatifs devant être concrétisés dans un futur rapproché pour nous permettre de traverser une pandémie.
Toutefois, comme David Nabarro l’a lui-même fait remarquer lors d’une conférence prononcée devant le Centre for Strategic and International Studies le 13 novembre dernier, le fait d’avoir réussi à convaincre un grand nombre de nations à se lancer dans des préparatifs pandémiques est en soi tout un exploit.
«Il n’existe pas actuellement de système de gouvernance mondial, alors c’est par la volonté commune qu’il y a engagement mutuel. Nous progressons. Et les préparatifs pandémiques mondiaux accomplis sont si admirables qu'ils valent la peine d’être cités en exemple, pour la gestion de défis semblables. Ce succès repose sur un leadership fort.»
David Nabarro semble donc penser que la recette de ce succès de coopération mondiale pourrait s’appliquer à d'autres problématiques internationales.
Il reste encore beaucoup de pain sur la planche avant d’arriver à dire que le monde est préparé à faire face à une pandémie. La septième Conférence ministérielle de gestion de pandémie est prévue en 2010. S’ils veulent avoir quelque chose à se raconter et sur quoi faire un bilan, les gestionnaires de planification de pandémie devront, en 2009, déployer des efforts pour mettre en œuvre des préparatifs multisectoriels sociaux, économiques et politiques. De quelle manière cela se concrétisera-t-il? Ah! That is the question!
Pour avoir réussi à faire passer de la théorie à la pratique le branle-bas de combat mondial en vue d’une pandémie, êtes-vous d’accord avec moi que David Nabarro mériterait d’être considéré comme faisant partie de l’élite mondiale?