Blogue de Lyne Robichaud

18 novembre 2008

Voilà de quoi je souhaiterais entendre parler pendant la campagne électorale

Paru le vendredi, 7 novembre 2008, dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com


Stockbyte, libre de droits, FIO_039

A priori, je ne souhaite entendre parler de rien du tout lors de cette campagne, car la tenue de ces élections générales me rebute. Des élections en ce moment ne sont pas les bienvenues, et de toute évidence inutiles.

La présente campagne électorale ne me semble pas être fondée. Pourquoi des élections? L’avis des citoyens québécois, qui ne souhaitaient apparemment pas d’élections n’a pas été écouté. Qui en effet aurait voulu d’une élection, après avoir dû digérer une campagne électorale fédérale, ainsi qu’une longue et enivrante campagne présidentielle chez nos voisins du sud (alors que nous savons à l’avance que notre campagne québécoise n’aura sans doute qu’un goût insipide)? Des élections, nous en avons soupé! Qu’à cela ne tienne, le premier ministre Jean Charest n’en a fait qu’à sa tête. Il ne s’est pas non plus attardé sur un léger détail: la dépense de 83 millions de dollars, nécessaires pour caresser son rêve d’élection, et ce en pleine crise économique mondiale. Le sociologue Pascal Bruckner dirait sans doute de M. Jean Charest qu’«il fait chaque jour de la démocratie, comme Monsieur Jourdain de la prose». [La Mélancolique démocratie] Une dépense de 83 millions de dollars (correspondant à la tenue de ces élections) est scandaleuse.

L’hypothèse de M. Charest qu’il faille un gouvernement majoritaire pour affronter la présente crise économique ne tient pas tellement la route. Au niveau fédéral, n’avons-nous pas un gouvernement minoritaire? Michel C. Auger écrit dans les Carnets de Radio-Canada: «De toute évidence, ce n'était pas ce que croyait M. Charest quand il a passé le plus clair de l'automne à manoeuvrer de manière à peine voilée pour que Stephen Harper n'obtienne pas sa majorité.»

Le véritable but caché de ces élections semble donc être ailleurs. Peut-être du côté de la personnalité du premier ministre? Davantage de franchise concernant les véritables buts de ces élections aurait été non seulement bienvenu, mais de toute évidence essentiel.

LES RÉELLES PRÉOCCUPATIONS
Alors, ce que je souhaiterais entendre le plus lors de cette campagne serait le reflet des réelles préoccupations des Québécoises et des Québécois. Et je sais pertinemment que cela n’arrivera pas.

Pourquoi? Si je me fie à ma propre expérience, les préoccupations des citoyens ne sont pas écoutées ni entendues par le gouvernement du Québec. J’ai pu le constater, en tentant de faire valoir l’apport positif de la participation de la communauté virtuelle Zonegrippeaviaire.com, dans le dossier des préparatifs pandémiques. Je me suis heurtée à une palissade de déni et d’ignorance. J’ai vu les citoyens monologuer seuls, parce que l’administration Charest a refusé de descendre de sa tour d’ivoire, se mettre au niveau de la population, en entamant un dialogue avec les gens à propos de leurs réelles préoccupations concernant une pandémie. La reconnaissance du rôle des médias sociaux en général, et en particulier en ce qui a trait à la préparation à une pandémie, aurait été non seulement la bienvenue, mais de toute évidence essentielle.

La tendance et les marchés, qui sont présentement formés [par les médias sociaux], sont les effets de la répression d’une liberté humaine au fil du temps, qui a désormais trouvé les moyens de s’exprimer librement et sans contrainte. Paul Gillin, dans son livre “The New Influencers“, parle de 150 années de répression qui ont pris fin grâce à l’avènement des médias sociaux. Nous pouvons désormais être connectés à n’importe qui et n’importe où sur la planète par le simple clic d’une souris. Nous pouvons désormais nous exprimer librement sans l’influence des institutions. Notre capacité à nous exprimer et à nous connecter a maintenant créé les moyens de discuter et d’être entendus. Nous avons finalement trouvé la voie qui nous permet d’avoir des conversations ouvertes et authentiques, ce qui a été compromis depuis des décennies.

Il me semble que le gouvernement du Québec aurait dû être plus ouvert à ce mouvement, et qu’il aurait dû faire quelque chose pour démontrer qu’il était capable d'entrer dans l'ère du Web 2.0 et accepter le changement. Encore là, aurait-il fallu qu’il soit à l’écoute des citoyens, ce qui n’est apparemment pas tout à fait dans les cordes du chef. Il semblerait donc que les hauts fonctionnaires du gouvernement du Québec que j’ai rencontrés se sont alignés sur le modèle de leur chef: c’est-à-dire qu’ils se sont enfoncés dans le mutisme et ont coupé les cordons de la communication avec les citoyens. Une oreille plus attentive aux préoccupations exprimées des citoyens aurait été non seulement la bienvenue, mais de toute évidence essentielle.

Un dialogue véritable avec les citoyens aurait été non seulement le bienvenu, mais de toute évidence essentiel.


L’annonce précipitée, à la veille du déclenchement des élections, d’un investissement dans l’économie sociale, était d’un ridicule confondant. La déclaration suivante, «l'économie sociale au Québec, c'est quelque chose de vital», sonne faux. Le présent plan gouvernemental pour l'entrepreneuriat collectif ne souffle pas mot au sujet des médias sociaux et ne reconnaît pas la contribution «actuelle et potentielle» de la capacité sociale que constitue le développement du Web 2.0. La création d'un programme de développement des secteurs émergents aurait été non seulement la bienvenue, mais de toute évidence essentielle.

LES RÉELS ENJEUX
Ne pas écouter les préoccupations des citoyens est une chose. Ne pas être au courant de ce qui se passe de par le monde, et de quelle manière le Québec se positionne par rapport aux progrès mondiaux, en est une autre. Pour de nombreux dossiers, il est possible d’observer que le Québec s’enlise dans l’inaction et laisse filer d’innombrables occasions d’innover, d’être à la fine pointe des nouveautés, de se développer et de se positionner en leader mondial.

Dans le dossier des préparatifs pandémiques, je réalise que ma liste de souhaits est tellement longue que je ne sais par quel bout commencer! Aborder les défis des préparatifs pandémiques lors de la campagne électorale aurait été non seulement bienvenu, mais de toute évidence essentiel.

En premier lieu, je crois que j’aurais souhaité davantage de leadership. J’aurais souhaité aussi davantage de démonstration de convictions. On sent très bien que le gouvernement du Québec ne semble pas croire qu’une pandémie se déclenchera un jour. Davantage de sensibilité et de leadership auraient été non seulement les bienvenus, mais de toute évidence essentiels.


J’aurais souhaité que le Québec reconnaisse que la menace d'une pandémie est demeurée inchangée depuis 2003, et qu'il prenne exemple sur l’Union européenne, en déclarant que la menace pandémique supplante toutes les autres menaces. La reconnaissance qu’une pandémie est la menace No. 1 à la nation aurait été non seulement la bienvenue, mais de toute évidence essentielle.

Bien entendu, étant donné que je travaille dans le domaine des communications, j’aurais souhaité davantage de communications avec la population sur les enjeux et la menace réelle d’une pandémie. J’aurais souhaité que les gestionnaires chargés des communications soient plus innovants, et que les outils de communication concernant une pandémie soient mieux gérés.

J’aurais souhaité que la coordination interministérielle de gestion de pandémie soit en premier lieu visible, transparente et présente auprès des citoyens.

J’aurais souhaité un réel effort et un intérêt marqué venant de la part du plus haut niveau du gouvernement envers les questions de préparatifs pandémiques. La nomination d’un tsar de pandémie et la création d’un bureau de pandémie auraient été non seulement les bienvenues, mais de toute évidence essentielles.


J’aurais souhaité que soit développée une réelle collaboration avec les citoyens dans la gestion de pandémie. J’aurais souhaité que le gouvernement estompe la frontière entre l’administration et la population, et que des projets soient développés, incorporant les citoyens dans le processus de planification et de préparation de pandémie. Faire confiance à la sagesse publique collective et à la capacité de la collectivité à résoudre des problèmes dans le dossier des préparatifs pandémiques, aurait été non seulement bienvenu, mais de toute évidence essentiel.

Favoriser non seulement la consultation, mais aussi l’engagement de la collectivité à titre de partenaire complémentaire auprès des grandes organisations publiques, tant pour la préparation de la crise que pour la gestion de la crise elle-même, auraient été non seulement les bienvenus, mais de toute évidence essentiels.

J’aurais souhaité qu’il y ait davantage de femmes impliquées dans des hauts niveaux de décision, en ce qui concerne les préparatifs pandémiques. Le blogueur Jay Deragon (A Relationship Economy) a expliqué: «Il est difficile pour les leaders, principalement les leaders de sexe masculin, à la fois d’admettre et de composer avec efficacité avec les choses ‘intangibles’, parce que les éléments fondamentaux des solutions appropriées sont essentiellement orientés socialement. Le top dix des défis et solutions ‘sociales’ exigent la coopération, la collaboration, le consensus et la gestion des «processus des gens». La plupart des entreprises souffrent aujourd’hui de division sociale, interne et externe, entre les gens, les besoins et les progrès.» Un des plus grands défis des préparatifs pandémiques concernera l'un des nouveaux volets des préparatifs multisectoriels, la planification sociale: «Des études ont confirmé que la traduction de la prise de conscience et de la connaissance sous la forme d’une modification efficace du comportement reste un défi.» (Synopsis, paragraphe 18). Davantage de femmes impliquées dans les hautes sphères des préparatifs pandémiques auraient été non seulement bienvenu, mais de toute évidence essentiel.

Réaliser que le Québec est un «suiveux», et non pas un leader mondial, me fait réellement mal au cœur. J’aurais souhaité que les autorités fassent preuve d’innovation, en allant au-devant des nouvelles sur le développement des virus à potentiel pandémique et des maladies émergentes, et qu'il entre en compétition avec les meilleures nations qui se hissent au palmarès des plus avancées en termes de préparatifs pandémiques. Davantage d’audace et de créativité auraient été non seulement les bienvenues, mais de toute évidence essentielles.

Constater que nos plans de pandémie sont désuets et qu’il n’existe ni volonté ni mécanisme pour les mettre à jour, me désole également. Constater que notre planification de pandémie manque gravement de mise en pratique et que le Québec n'effectue pas suffisamment de simulations de pandémie est alarmant. Réaliser que nos vies, en tant que citoyens, sont en danger face à la menace pandémique, en raison du manque actuel de préparatifs pandémiques dans notre société, me révolte. Accepter de baisser les bras, en sachant que les projets et la communauté virtuelle, qui seraient en mesure de faire une différence pour que progressent les préparatifs pandémiques, sont ignorés: cela j’en suis incapable. Davantage de discernement et de vision auraient été non seulement les bienvenus, mais de toute évidence essentiels.

Mettre à profit des capacités de l’infrastructure civique, implanter l’instauration d’un dialogue structuré entre les autorités publiques et la communauté, permettre l’implication de la communauté dans la résolution des problèmes liés à la préparation et à la gestion de la crise, susciter la participation de la communauté en ce qui concerne des actions posées pour prévenir, gérer et régler la crise que constituera une pandémie, auraient été non seulement les bienvenus, mais de toute évidence essentiels.

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