Blogue de Lyne Robichaud

18 novembre 2008

Jongler avec son image publique et de cracher en l’air

À force de jongler avec son image publique et de cracher en l’air, cela pourrait-il éventuellement retomber sur le nez du nouveau ministre de la santé Yves Bolduc?

Paru le mercredi, 20 août 2008, dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com


Le premier ministre Jean Charest et le
ministre Yves Bolduc. Photo source

Pour vous donner une idée du personnage, le nouveau ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Yves Bolduc, vient d’appuyer la position du ministre de la santé du Canada, Tony Clement, qui s’est mérité par deux fois (voir ici et ici) au cours des derniers jours une nomination au Prix Supari par le blogueur Crawford Kilian, un résident de la Colombie-Britannique.

Tony Clement a été mis en nomination pour le Prix Supari, pour avoir embarrassé à ce point l’Organisation mondiale de la santé lors d’un discours qu’il a tenu dernièrement à Mexico. Il paraîtrait que les membres de l’agence internationale étaient «complètement stupéfaits» et qu'ils en ont eu le visage écarlate. Le ministre canadien de la santé, qui devait présenter un nouveau guide de l’OMS pour les sites d’injection supervisés, est allé dans ses propos à l’encontre des recommandations de l’OMS. C’est à ce moment-là, poussé par un excès de honte, que le blogueur Crawford Kilian a eu l’idée d’instaurer le Prix Supari, en l’honneur de la flamboyante ministre de la santé indonésienne, la Dr Siti Fadilah Supari.

De retour au Canada après son déplacement au Mexique, le ministre fédéral Tony Clement, non seulement n’a rien compris à la portée de ses agissements, mais a remis cela, en s’interrogeant cette fois sur l’éthique des médecins du pays. Le Devoir a révélé le 19 août que «l'association qui représente les médecins canadiens fustige le ministre fédéral de la Santé, Tony Clement, pour avoir mis en doute le sens de l'éthique des médecins favorables aux centres d'injection supervisée pour les toxicomanes.»

Ces questions liées à la toxicomanie n’ont rien à voir avec la grippe aviaire et les préparatifs de pandémie. Toutefois, la manière dont ce dossier est géré par les décideurs de la santé du Canada nous permet d’en apprendre un peu plus sur leurs personnalités, leurs valeurs conservatrices, et leur flagrante incompréhension de grandes lignes directrices émises par l’agence parapluie mondiale, l’Organisation mondiale de la santé. Toutefois, en ce qui constitue un vif intérêt pour notre communauté virtuelle (de Zonegrippeaviaire) - les préparatifs de pandémie - les relations de notre pays avec l'OMS sont cruciales. La manière dont se comportent nos décideurs par rapport à l'OMS mérite donc d'être analysée et décortiquée.

Je me dis que si les lignes directrices de l’OMS ne sont pas comprises et respectées en ce qui a trait au domaine de la toxicomanie par les plus hauts décideurs de la santé du pays, qu’est-ce qui nous garantit que d’autres lignes directrices de l’OMS, en lien cette fois-ci avec les préparatifs de pandémie, ne pourraient pas être mal comprises également par ces mêmes individus? Surtout si ces individus-là ne sont nul autre que notre ministre de la santé fédéral, et notre ministre de la santé provincial. Si ces deux hommes, qui détiennent en leurs mains le pouvoir et les commandes de la santé d’un pays et d’une province de ce pays, ne sont pas plus éclairés sur les politiques de santé publique liées à la toxicomanie et des efforts déployés par l’Organisation mondiale de la santé, je m’inquiète de ce que cela pourrait être pour une situation telle qu’une pandémie, où des centaines d’éléments doivent être maîtrisés en même temps, tellement ce genre de situation d’urgence est complexe. Un bon gestionnaire de crise de portée mondiale, telle qu’une pandémie, doit donc démontrer posséder des habiletés hors du commun en gestion de dossiers extrêmement compliqués. Seront-ils à la hauteur?

Quelques jours à peine après sa nomination, Yves Bolduc a provoqué un tollé avec sa déclaration de son intention d’appliquer la méthode Toyota au système de santé québécois (voir notamment un article de Lise Payette, «Le ministre et sa bonne tête» , et un autre signé par Martin Bernier, président de la Fédération des médecins résidents du Québec, «L'«approche Toyota» n'est pas une panacée»). Je m’étais alors interrogée sur ce que cela signifierait si cette méthode était appliquée à une situation de pandémie. C’est ce que j’ai analysé dans mon billet «Le nouveau ministre de la santé et les préparatifs pandémiques».

Je ne comprends pas le retournement de situation provoqué Yves Bolduc concernant les sites supervisés d’injection supervisés. Il met fin à des démarches lancées sous le règne de l’ex-ministre Philippe Couillard. Et il donne en même temps un appui politique à un ministre fédéral, qui s’est mis publiquement dans l’eau chaude par rapport à l’OMS. En plus, on ne sait pas trop si l’administration Harper va demeurer en place, le premier ministre canadien ne cesse de lancer des indices à ce sujet dans les médias (voir «Harper réitère sa menace»). Radio-Canada a rapporté: «Il [Stephen Harper] a voulu justifier la possibilité de contourner la loi sur les élections à date fixe par le fait que les partis d'opposition laissent planer la menace de renverser son gouvernement.» Pourquoi agir ainsi? Est-ce que cela signifie que le gouvernement du Québec donne publiquement son appui à l’administration du parti Conservateur de Stephen Harper???

Il me semble qu’un nouveau ministre devrait faire attention à son image publique, et non pas se jeter volontairement dans une situation qui a déjà provoqué beaucoup de controverse médiatique d’un bout à l’autre du Canada. N’y a-t-il pas des conseillers en communications au sein du cabinet du ministre de la santé du Québec pour donner des avis au décideur nouvellement promu à ce poste? Ces gens-là lisent-ils les journaux et consultent-ils les nouvelles fédérales? Ont-ils compris la portée des déclarations de Tony Clement? Cela me semble être un quasi-suicide que de suivre les pas du ministre Clement. Et le ministre Yves Bolduc n’est pas encore élu par la population, les élections partielles ont été annoncées, mais la date n’est pas encore déterminée (voir 3 août 2008, «Circonscription de Jean-Talon: le Dr Yves Bolduc sera candidat»).

Je vous assure que je vois passer beaucoup de bêtises en communications, les erreurs se sont accumulées les unes après les autres par le gouvernement du Québec dans sa gestion du dossier de pandémie et des médias sociaux. Mais là, j’avoue que je suis «complètement stupéfaite» et que je ne comprends pas où se situe la logique derrière les actions du ministre Yves Bolduc et son équipe de soi-disant conseillers en communications du cabinet ministériel. Non seulement cela positionne-t-il le gouvernement du Québec comme un allier public du gouvernement Conservateur fédéral à quelques semaines d’un possible déclenchement d’élections générales fédérales, mais cela pourrait mettre en péril l’élection partielle d’un ministre, qui a été nommé par le premier ministre Jean Charest, alors qu’il ne siégeait même pas à l’Assemblée nationale! En veulent-ils de ce ministre-là, oui ou non? C’est une bonne question! Si c’est oui, ça ne paraît pas tellement. Ils font tout pour qu’il s’attire des foudres dans les médias et que cela ternisse son image d’homme public. OK, peut-être qu’il s’agit d’une situation où le nouvel occupant du poste de ministre manque d’expérience politique. Cela pourrait fort bien être le cas. Mais justement, dans ce cas-là, il aurait dû recevoir des avertissements de la part de son équipe de proches conseillers. Il aurait dû écouter ce qu’ils ont probablement dû lui expliquer de long en large. Je trouve très étrange que la décision concernant les toxicomanes n’ait pas plus de poids dans la balance de l’image publique du nouveau ministre aux yeux de Yves Bolduc et de son cabinet...

Cette situation me laisse vraiment très perplexe…

Voici ce que rapporte Hélène Buzzetti du Devoir, à propos de Yves Bolduc:
«Alors que Tony Clement, le ministre fédéral de la Santé, s'attire les foudres du milieu médical et politique pour ses positions tranchées au sujet des sites supervisés d'injection de drogue et des «drogués» en général, il se trouve un allié inattendu du côté de Québec. Son nouveau vis-à-vis, le Dr Yves Bolduc, a renoncé à ouvrir de tels sites dans la province.

«Nous n'irons pas de l'avant avec les sites d'injection supervisée», a confirmé au Devoir hier Marie-Ève Bédard, la porte-parole du ministre québécois de la Santé, Yves Bolduc. Elle a admis que cette possibilité était à l'étude de manière ponctuelle, mais «elle est écartée pour l'instant».

Le prédécesseur de M. Bolduc, Philippe Couillard, avait déclaré en juin dernier que l'ouverture de tels centres était à l'ordre du jour. «Nous étudions cette possibilité très sérieusement», avait alors dit le ministre. «Il a été démontré à travers le monde que, lorsque ces centres sont supervisés correctement et bien gérés, ils sont bénéfiques pour les toxicomanes.»
Ce qui pourrait signifier que ce qui a été construit par Philippe Couillard dans le domaine des préparatifs pandémiques au Québec, pourrait être éventuellement déconstruit par le nouveau ministre en poste.

Donc, pour toutes ces raisons, je propose la candidature du ministre québécois de la santé Yves Bolduc pour le Prix Supari, instauré par l’excellent blogueur Crawford Kilian.

Cela constitue ma seconde suggestion de candidature à cette haute distinction d’excellence en santé, la première étant celle de Yves Pépin, directeur de la coordination de l’information et des mesures d’urgence, à Services Québec, pour son incapacité de composer avec les communautés virtuelles du Flublogia et du site Zonegrippeaviaire, et son refus catégorique d’intégrer les applications web 2.0 et médias sociaux dans les préparatifs pandémiques du Québec (voir notamment le document concocté par l’équipe de Yves Pépin, «Les médias sociaux et la communication du risque»).

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