Blogue de Lyne Robichaud

18 novembre 2008

La réserve stratégique de masques du gouvernement du Québec

La réserve stratégique de masques du gouvernement du Québec devrait suffire pour traverser uniquement le premier mois d'une pandémie

Paru le samedi, 16 août 2008, dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com

Une demande d'accès du 3 juillet 2008 auprès de la chef du Service de l'accès à l'information et des ressources documentaires par interim du ministère de la Santé et des Services sociaux a permis à Zonegrippeaviaire d'obtenir les quantités exactes de masques stockés dans la réserve provinciale du gouvernement du Québec.



Le total de tous les produits de masques acquis par le gouvernement du Québec, au 8 juillet 2008, s’élève à 25,957,080.

Le 14 mai dernier, dans un de ses billets intitulé «Conseils proposés par OSHA sur les respirateurs et les masques faciaux», Michael Coston a abordé la nécessité de constituer une réserve stratégique de masques et a même calculé combien seraient nécessaires aux États-Unis. Son évaluation s’élève à plus d’un milliard de masques par mois. Il indiquait dans son billet: «S'il y a 8 millions de travailleurs au service de la santé qui fournissent des soins directs pendant une pandémie, et que chacun exige 480 masques N95, alors nous serions mieux d’avoir un autre 4 milliards de masques en réserve.»

Je ne sais pas combien il y a de travailleurs la santé à risque d’exposition très élevé, élevé et moins élevé au Québec, alors mon évaluation est très approximative. En basant mes calculs sur l’évaluation de Michael Coston d’un besoin d’un milliard de masques pour une population des États-Unis de 302 millions (en 2007), la répartition pour une population de 7,651,033 habitants au Québec (2006) donne un total de 25,328,340 masques par mois.

Ce chiffre équivaut approximativement au total de la réserve provinciale de masques. Ce qui signifie que nous n’aurions pas suffisamment de masques au Québec pour traverser la première vague d’une pandémie, étant donné qu’une vague est évaluée à durer approximativement trois mois. Il nous manquerait environ 50 millions de masques additionnels pour passer à travers de la première vague d’une pandémie. En d’autres mots, il faudrait tripler la quantité de masques de la réserve provinciale stratégique pour être certain de ne pas en manquer en plein milieu d’une vague pandémique, étant donné les incertitudes de renouvellement des stocks en raison de notre système planétaire d’approvisionnement juste-à-temps. Si les États-Unis vont consommer plus d’un milliard de masques par mois pendant une pandémie, pensez-vous que les petites commandes en provenance de clients québécois vont passer en priorité? Pensez-vous réellement que dans ces conditions de consommation excessive de masques par nos voisins Américains, nous allons être capables de mettre la main sur des masques de protection? Le gouvernement du Québec ferait mieux de considérer ces éléments et tabler sur la «prudence et la prévoyance», comme il voudrait bien que les citoyens québécois le fassent, tel que stipulé dans l’article 5 de la Loi sur la sécurité civile.

Il serait difficile de formuler un meilleur constat que celui énoncé par Michael Coston face à cette situation: «La vérité est, que nous devons dépenser des milliards de dollars juste en masques, blouses, et gants, pour protéger les membres de notre personnel soignant. Et nous devons le faire maintenant, avant qu’une pandémie éclate. Alors que les coûts peuvent sembler élevés, les prix que nous payerons si nous ne faisons pas cela seront astronomiques.»

Nous, Québécois et Canadiens, avons un double dilemme à envisager en termes de réserve stratégique de masques: d’une part, nous devons prévoir suffisamment en fonction des potentiels besoins de notre personnel soignant pour ne pas être à court en plein pic d’une vague de pandémie; et d’autre part, nous devons prévoir les effets de la consommation en masques de nos voisins du sud sur notre réelle capacité d’achat et d’approvisionnement en temps de crise majeure, telle qu’une pandémie d’influenza grave.

En triplant la réserve stratégique provinciale de masques, nous serions couverts pour traverser la première vague d'une pandémie. Croisons les doigts pour que l'économie mondiale reprenne suffisamment du poil de la bête après la fin de la première vague pour suffire en production au carnet de commande des États-Unis, qui pourrait aller jusqu'à 5 ou 6 milliards de masques. Dans ces conditions, croisons (très fort) les doigts pour que les quelque 75 millions de masques dont aura besoin le Québec pour la deuxième vague puissent être commandés, fabriqués, emballés, expédiés et reçus à temps pour la deuxième vague.

Et si tout cela ne fonctionnait pas, si ce n'était pas possible pour une raison ou pour une autre? Que ferons-nous alors? La seconde vague de la pandémie de grippe espagnole a été plus meurtrière que la première. Il paraît que quand on a vu une pandémie, on n'a vu qu'une pandémie. Je lis cela souvent. Mais tout de même, pour des événements de cette importance, je pense qu'il faudrait vite nous remettre à nos crayons et à nos calculatrices afin d'essayer de prévoir intelligemment ce qui pourrait se passer. Les conséquences d'une mauvaise planification dans ce domaine sont tout simplement trop épouvantables à envisager. Il vaudrait mieux y réfléchir et voir comment nous pourrions faire pour les éviter.

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