Blogue de Lyne Robichaud

18 novembre 2008

Franchement, ils y vont un peu fort avec leur guerre biologique!

Paru le lundi, 13 octobre 2008, dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com

La nouvelle suivante a été publiée il y a trois heures par la Presse canadienne, avec plusieurs jours de retard (par rapport au milieu anglophone). Mes collègues blogueurs américains se sont penchés de long en large sur cette nouvelle ces derniers jours, et ils ont indiqué à quel point ils étaient très secoués d'apprendre que les États-Unis adhèrent à une éthique extrêmement douteuse en ce qui a trait à l'exportation de vaccins contre la grippe aviaire, autant pour les volailles que pour les humains. Revere (d'Effect Measure) cherche encore probablement sa mâchoire, qui est tombée en lisant la nouvelle! Toujours est-il que des politiques de cette nature sont assez surprenantes, puisqu'aucun chercheur du domaine de l'influenza ne pense qu'un vaccin puisse être considéré comme une arme biologique. De telles mesures vont à l'encontre du bon sens et pourraient même empêcher de contenir une flambée de grippe aviaire, si une pandémie devait se déclencher dans un des pays figurant sur la liste noire des États-Unis. Ce qui pourrait fort bien arriver, étant donné que plusieurs de ces pays touchés par l'interdiction sont situés au coeur de la zone à haut risque du virus H5N1.

Vaccin aviaire: les États-Unis redoutent une guerre biologique
13 octobre 2008 | La Presse canadienne

DJAKARTA — Lorsque l'Indonésie a cessé d'envoyer des virus de la grippe aviaire à un laboratoire de recherche américain de peur qu'ils ne servent à la fabrication d'armes biologiques, Washington s'est moqué. Un document officiel américain montre pourtant que les États-Unis interdisent l'exportation de vaccins contre la grippe aviaire et de dizaines d'autres virus vers cinq pays accusés de "soutenir le terrorisme".

Ce document confidentiel de 87 pages sur les règles d'exportation des Etats-Unis précise que la Corée du Nord, l'Iran, Cuba, la Syrie et le Soudan ne pourront obtenir ces vaccins qu'en demandant des licences d'exportation spéciales, que les Etats-Unis décideront de leur accorder ou non. L'Iran, Cuba et le Soudan font en outre l'objet d'une interdiction concernant tous les vaccins contre l'épidémie de grippe humaine, dans le cadre d'un embargo américain général.

Ces règles, qui prennent en compte tous les vaccins, de la dengue à Ebola, étaient passées inaperçues pendant plus de dix ans, des responsables du ministère de la Santé ainsi que les Centres de prévention et de contrôle des maladies (CDC) affirmant même qu'ils en ignoraient tout jusqu'à ce que l'Associated Press les contacte le mois dernier. Les communautés médicale et scientifique s'en sont souciées récemment, à la lumière des inquiétudes concernant la grippe aviaire, qui a tué plus de 240 personnes dans le monde depuis 2003, dont près de la moitié en Indonésie.

"Cela n'a scientifiquement aucun sens", s'insurge Peter Palese, président du service de microbiologie à l'école de médecine de l'hôpital Mount Sinaï de New York. Selon lui, le vaccin contre la grippe aviaire peut servir par exemple pour contenir une épidémie touchant la volaille avant que le virus ne mute en une forme transmissible d'homme à homme. "Plus il y a de vaccins en circulation, mieux c'est", ajoute-t-il. "Il s'agit de nous protéger, en empêchant le virus aviaire de s'installer dans ces pays et de se propager."

Christopher Wall, secrétaire-adjoint au Commerce, a refusé de préciser quelles menaces représenteraient ces vaccins destinés à la volaille infectés par la grippe aviaire. Mais d'après lui "il existe des raisons de sécurité valables de se soucier (...) de ce que ces vaccins ne tombent pas entre n'importe quelles mains". "La santé publique et la recherche scientifique légitimes ne souffrent pas de ces contrôles", a-t-il assuré.

Mais certains experts estiment, eux, que l'idée d'utiliser des vaccins à des fins de guerre bactériologique est tirée par les cheveux. ils soulignent que, en cas d'urgence sanitaire, on ignore combien de temps les autorités mettront à simplifier les démarches administratives pour que les vaccins soient distribués.

En temps normal, il faudrait au moins six semaines pour approuver toutes les licences d'exportation pour n'importe lequel des vaccins figurant sur la liste, avance Thomas Monath, qui a dirigé un groupe consultatif de la CIA sur la lutte contre les attaques biologiques. Et ces décisions nécessiteraient au préalable des négociations gouvernementales "à un très haut niveau", ajoute-t-il.

Cela pourrait accroître la difficulté à contenir une épidémie de grippe aviaire survenant, par exemple, dans un élevage de poulets en Corée du Nord, la région la plus gravement touchée par le virus. Le Soudan et l'Iran ont déjà signalé des cas chez des volailles, et la Syrie est entourée de pays touchés. Cuba, comme d'autres nations, est vulnérable, la maladie étant transmise par les oiseaux migrateurs.

Pour Kumanan Wilson de l'Université de Toronto, qui mène des recherches sur les politiques de protection sanitaire, souligne que l'ironie serait de voir le virus de la grippe aviaire muter en une forme plus dangereuse dans l'un de ces pays. "Cela représenterait une menace bien plus grave pour la population que le risque théorique de l'utilisation du vaccin à des fins de guerre biologique", explique-t-il.

Le danger de la guerre biologique dépend du virus ou de la bactérie utilisés. Mais la plupart des experts s'accordent à dire que les vaccins contre la grippe aviaire ne peuvent être génétiquement modifiés pour créer des armes, car ils contiennent un virus inactivé qui ne peut pas être ressuscité.

Il est aussi très improbable qu'ils servent à la création de souches virales résistantes susceptibles de décimer les élevages. Des Etats qui voudraient arriver à cette fin pourraient fabriquer leur propre vaccins ou se tourner vers un pays moins hostile, comme la Chine, estime Ian Ramshaw, expert en immunologie vaccinale et en biosécurité à l'Université nationale d'Australie à Canberra.

De leur côté, les spécialistes de bioéthique notent que paradoxalement, des pays comme la Libye ou l'Irak, soupçonnés par les États-Unis de développer des armes bactériologiques, ne figurent pas sur la liste. Et de se demander s'il est moral de refuser des vaccins précieux à certains pays pour des raisons de politique étrangère.

Sur Internet:
Export Regulations:
http://www.access.gpo.gov/bis/ear/pdf/ccl1.pdf

Source: http://canadianpress.google.com

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