À la demande d'utilisateurs, qui m'ont souligné en privé aujourd'hui que mon dernier commentaire affiché hier soir dans la séance de remue-méninges sur l'amélioration des préparatifs pandémiques comportait des éléments dignes de La Gazette, l'analyse ci-dessous sur la compatibilité de la notion d'un tsar de pandémie dans l'infrastructure québécoise est ajoutée à la Gazette.
***
L'expression "tsar de pandémie" sous-entend la notion de responsabilité.
C'est-à-dire prendre le fardeau de la responsabilité sur ses épaules. Il pourrait arriver que des choix difficiles doivent être faits. Des décisions littéralement déchirantes.
Tsar sous-entend pouvoirs extraordinaires.
C'est-à-dire donner de la corde à une personne afin d'être en mesure de bouger rapidement en situation d'urgence. Le défi à relever, lors de ce genre de situation, doit être lié à la vitesse d'intervention, à la prise de décision.
Tsar sous-entend leadership.
Le Plan gouvernemental en cas de pandémie d'influenza (PGPI), préparé par le ministère de la Sécurité publique (MSP) en concertation avec les ministères et organismes de l'Organisation de sécurité civile du Québec (OSCQ) les plus directement concernés.
Le Plan national de sécurité civile (PNSC) a servi de référence aux travaux réalisés.
Le Plan gouvernemental en cas de pandémie d'influenza est basé sur une approche de concertation et sur la responsabilité des ministères et organismes qui y participent. En cas de sinistre majeur, c'est le sous-ministre associé à la Direction générale de la sécurité civile et de la sécurité incendie du ministère de la Sécurité publique, qui agit comme coordonnateur gouvernemental.
Le ministre de la Justice et de la Sécurité publique est Jacques P. Dupuis, député de Saint-Laurent.
La Loi sur la sécurité civile, chapitre VI, 64, indique que le ministre de la sécurité publique est chargé de déterminer
"des orientations portant sur la prévention des sinistres majeurs, soit pour éliminer ou réduire des risques, soit pour atténuer les conséquences prévisibles d'un sinistre potentiel, sur la préparation des interventions, sur les interventions en situation de sinistre réel ou imminent et sur le rétablissement de la situation après le sinistre".
VI, 71: "Le ministre contribue à l'information des citoyens afin de les associer à l'atteinte des objectifs de la présente loi, notamment par la diffusion de renseignements sur les risques de sinistre majeur auxquels leur communauté est exposée, sur la vulnérabilité de celle-ci face à de tels risques, sur les mesures de protection mises en place par les ministères et organismes gouvernementaux ainsi que sur les moyens qu'ils peuvent prendre pour atténuer les conséquences d'un sinistre majeur et faciliter le rétablissement de la situation après un tel sinistre."
VI, 72: "Lorsque la vie, la santé ou l'intégrité des personnes est menacée par un sinistre majeur ou mineur, réel ou imminent, le ministre ou toute personne qu'il désigne à cette fin peut
1° requérir de tout spécialiste [...] des renseignements scientifiques, techniques ou autres afin de connaître et de comprendre les effets du sinistre sur ce risque ou, s'il s'agit du lieu sinistré, les causes, le développement et les effets potentiels de ce sinistre ;
2° divulguer, aux personnes concernées, les renseignements obtenus et nécessaires à la protection des personnes."
VI, 80: "Le ministre de la Sécurité publique établit et maintient opérationnel, en liaison avec les autres ministres et les dirigeants d'organismes gouvernementaux qu'il sollicite, un plan national de sécurité civile destiné:
2° à réduire la vulnérabilité de la société à l'égard des risques de sinistre majeur qu'il détermine et dont les conséquences prévisibles sont d'intérêt national, notamment par des mesures de prévention, de préparation des interventions, d'intervention ou de rétablissement ou par une gestion distincte d'un risque, à l'échelle où il se manifeste, avec d'autres gouvernements ou avec les paliers régionaux ou locaux."
VI, 93: "Au cours de l'état d'urgence, malgré toute disposition contraire, le gouvernement ou le ministre habilité à agir en vertu de la déclaration d'état d'urgence peut, sans délai et sans formalité, pour protéger la vie, la santé ou l'intégrité des personnes:
1° ordonner la mise en oeuvre des mesures d'intervention [...] et, si nécessaire, désigner la personne qui en est chargée;
2° ordonner la fermeture d'établissements dans le territoire concerné;
3° contrôler l'accès aux voies de circulation ou au territoire concerné ou les soumettre à des règles particulières;
5° accorder, pour le temps qu'il juge nécessaire à l'exécution rapide et efficace des mesures d'intervention, les autorisations ou dérogations prévues par la loi pour l'exercice d'une activité ou l'accomplissement d'un acte requis dans les circonstances;
6° ordonner, lorsqu'il n'y a pas d'autre moyen de protection, [...] leur confinement et veiller, si celles-ci n'ont pas d'autres ressources, à leur hébergement, leur ravitaillement et leur habillement ainsi qu'à leur sécurité;
10° réquisitionner des denrées, vêtements et autres biens de première nécessité pour les victimes et voir à leur distribution;
11° rationner les biens et services de première nécessité et établir des priorités d'approvisionnement;
Pouvoir.
Dans les mêmes conditions, le gouvernement peut, en outre, prendre toute autre décision nécessaire.
Immunité.
Le gouvernement et ses membres ne peuvent être poursuivis en justice pour un acte accompli de bonne foi dans l'exercice de ces pouvoirs."
Je ne suis pas juriste, mais j'essaie de comprendre.
Où je veux en venir avec les éléments indiqués ci-dessus, est de tenter de clarifier si l'approche de concertation va de pair avec la notion de tsar de pandémie.
Autre élément à clarifier à mon avis, est qu'il ne semble pas y avoir de porte-parole de pandémie désigné par l'administration gouvernementale. Ce n'est pas toujours la même personne qui parle de pandémie (les rares fois que le sujet est abordé).
En amont d'une situation d'urgence, il y a lieu d'appliquer une approche de concertation, car cela contribue à la mitigation de toutes les sphères gouvernementales et agences impliquées.
Ce qu'il faudrait clarifier est quel sorte de mécanisme est prévu en temps de pandémie. Il est question notamment de top-down. [Une autre problématique que je souhaiterais analyser un de ces jours, car top-down n'a pas été qualifié de stratégique en ce qui concerne une pandémie le 17 mai dernier par Andrew Nikiforuk.]
Il faudrait également vérifier si l'approche de concertation privilégiée au cours des deux dernières années n'a pas eu pour effet de ralentir l'action gouvernementale, en rendant chaque étape excessivement lourde.
L'approche de concertation ne semble pas s'appliquer à tous les aspects de la planification de pandémie. Plusieurs indices nous indiquent que les communications n'ont pas lieu en approche de concertation. Le site Pandémie Québec est très pauvre en information. Comparé à nos voisins du sud, qui proposent des milliers de documents à leurs citoyens dans le site Internet www.pandemicflu.gov, qu'avons-nous à nous mettre sous la dent? Nous avons pu observer également que la dernière sortie publique du ministère de la Santé (du 5 avril 2008, publiée dans La Seigneurie) n'a pas eu lieu dans un contexte de concertation. Un autre indice, les révélations du journaliste Denis Lessard de La Presse, à propos d'un contrat liant le ministère de la Santé avec une firme de communications pour "un plan de communication, des documents d'information (entre autre des DVD) et une vigie médiatique en cas de pandémie" (entre autre le "Portail veille pandémie"), ne sont pas des moyens de communication concertés.
Bien qu'il soit prévu que l'approche de concertation s'appliquera aux communications en période de PANDÉMIE, il n'a pas été précisé comment cela devrait fonctionner en période de PRÉ-PANDÉMIE.
Lorsqu'il y a une grosse pente à remonter et beaucoup de rattrapage à faire dans un domaine, est-ce stratégique de s'embourber dans des processus lourds, comme de la concertation?
Puisque le pays, nation, appelez ça comme vous voudrez, affiche un retard considérable au point d'en être qualifié "d'embarras national" (par Amir Attaran), pourquoi ne pas songer à changer de stratégie et opter pour une formule avec davantage de leadership? C'est-à-dire, un tsar de pandémie.
Autre élément à considérer: la pratique. Peut-être que je manque d'imagination, mais il me semble impossible d'associer dans mon esprit efficacité avec manque total de pratique. Un tsar de pandémie aurait le temps de se familiariser avec le dossier d'une pandémie (et il est vraiment très complexe), d'en absorber tous les éléments et tous les détails, de vraiment bien maîtriser chaque aspect de son travail s'il était nommé AVANT qu'une pandémie ne se déclenche et s'il prenait les rennes de la planification pandémique AVANT l'avènement de la situation d'urgence.
Il me semble que les communications aux citoyens couleraient mieux, que les décisions seraient plus adaptées, que tout roulerait beaucoup mieux avec de la pratique AVANT, plutôt que d'attendre le Jour J pour appuyer sur le bouton de la prise en charge.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire