Depuis quelques jours, de nombreux articles de la presse traditionnelle de par le monde ont rapporté la nouvelle d’un essai scientifique publié dernièrement au PNAS, concernant les virus d’influenza H7. Le Dr Henry Niman a bien entendu commenté cette nouvelle, et après avoir découvert le retrait de GenBank des séquences de l’isolat newyorkais, A/New York/107/2003(H7N2), il s’est lancé dans une analyse frénétique de la situation, tentant de comprendre les raisons qui ont bien pu justifier un tel retrait, et ce que tout cela pouvait bien signifier. Une métaphore, que l’on ne voit pas très souvent dans le milieu scientifique – le Saint Graal – a été employée par Henry Niman dans «La retenue des séquences de H7N2 humain crée de la confusion», ce qui devrait nous mettre la puce à l’oreille quant à la potentielle gravité de la situation et l’importance de l’isolat retiré:
«L'isolat H7N2 représente un réassortant humain / aviaire, n'ayant pas été rapporté auparavant pour H7N2 ou H5N1. Ce réassortant a constitué en quelque sorte le «Saint Graal» des consultants de l'OMS, qui ont à répétition caractérisé les isolats de H5N1 comme n'ayant pas suffisamment de mutations considérables, étant donné que des gènes humains n'y ont pas encore été trouvés.»Le Graal est un mythe intemporel originant de la religion catholique. Il s’agit d’une coupe ou d’un vase dans lequel Joseph d’Arimathie aurait recueilli des gouttes de sang du Christ crucifié. De nos jours, le Graal inspire encore. Prenons par exemple le populaire livre de J.R.R. Tolkien, le Seigneur des anneaux, qui est structuré autour d’une quête rappelant celle des preux chevaliers de la Table ronde. Il s’agit en l’occurrence, à travers de nombreuses épreuves, de rapporter un objet magique à un endroit précis où il pourra être détruit et ainsi donner la paix au monde.
Mais c’est le sens attribué au mot Graal en sciences, qui confère à ce symbole un pouvoir particulier, et d’actualité pour la grippe aviaire. Wikipédia, à propos du Graal, indique: «La quête du Graal prend aussi un autre sens moderne beaucoup plus concret pour décrire un objectif difficilement réalisable, mais qui apportera au monde des nouvelles connaissances inestimables ou bien un pouvoir sur la matière inusité. Ainsi, en physique, on qualifie la théorie de grande unification de «Graal des physiciens». Encore, la compréhension du mécanisme par lequel les gènes contrôlent la physionomie des organes serait le «Graal des généticiens».
C’était donc à ce fameux Graal des généticiens que se référait Henry Niman cette semaine.
Associés au Graal, planent mystère et secret. Il y a plus de quatre ans de cela, lorsque le cas newyorkais de H7N2 est survenu en novembre 2002, Nancy J. Cox, un expert en influenza du CDC, a déclaré: «Nous ne savons pas comment il a été exposé, et pourquoi il s'agit d'un cas isolé. Nous avons besoin de comprendre comment il a été infecté». Il avait alors été déclaré que l’infection de 2002 ne fut pas liée à quelque exposition que ce soit à de la volaille». Alors s’il ne s’agit pas d’une infection contractée par contact avec des oiseaux, de quoi s’agit-il? Comment est-ce survenu?
C’est la question qui a dû tourner sans cesse dans la tête de nombreux membres de la sphère du Flublogia depuis qu’ils ont pris connaissance de ce cas. Henry Niman, dans «Le H7N2 du cas newyorkais est-il attribuable à la transmission humaine?», pousse son analyse. «Si le virus était un réassortant humain / aviaire et que le patient n'a pas été co-infecté avec le H3N2, alors il est probable qu'il ait été infecté par un autre humain, étant donné que le H7N2 possédait des gènes humains. Ces données soulèveraient des préoccupations de transmissions de H7N2 non détectées.»
Par ailleurs, le cas newyorkais de H7N2 soulève la controverse puisque les séquences, publiées à GenBank, ont été retirées peu de temps après la publication de l’essai au PNAS. Ceci survient dans un contexte où l’OMS a déclaré il y a deux semaines qu’il était temps d’instaurer un nouveau paradigme du partage des données séquentielles.
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«Ainsi, le délai et/ou la retenue de données séquentielles a embrouillé l'interprétation des expériences effectuées sur les animaux, de même que les considérations de transmission interhumaine. Les délais associés au cas humain de New York sont composés de retards ayant trait à la publication des données séquentielles de cas humains survenus en Angleterre, liées à un foyer d'infection de H7N2 s'étant produit il y a un an. Ces séquences sont retenues par un autre centre régional de l'OMS. La constante et répandue retenue des données séquentielles par les laboratoires régionaux de l'OMS continue d'être dangereuse pour la santé du monde,» conclut Henry Niman.Michael Coston, dans «L’USDA libère des séquences génétiques» rapporte que des séquences de plus de 150 virus d’influenza aviaire ont été libérées à GenBank cette semaine par le ministère de l’Agriculture des États-Unis. Il va dans le sens du Dr Henry Niman, en indiquant: «Il est également impératif que nous partagions la totalité de ces données, et qu'elles ne languissent pas pendant des mois ou des années dans le disque dur de l’ordinateur d'un quelconque chercheur, en attente d'être publiées dans un magazine revu par des pairs. Alors que nous avons observé davantage de partage des données scientifiques au cours des dernières années, cela est encore loin d'être une pratique universelle.»
Le Graal de la grippe aviaire est donc ici maître du temps, dont il détient les liens tissés ensemble. D’après Georges Bertin, dans Religiologiques, il est le pivot nous incitant à la réactualisation de nos connaissances. Une telle quête ne saurait revêtir qu’une figure, celle de l’inachèvement.
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