Blogue de Lyne Robichaud

18 novembre 2008

Secret VS public: La problématique mondiale du partage des données

Paru le mercredi, 14 mai 2008, dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com


Keiji Fukuda, OMS. Image source

L’information concernant les données séquentielles de l’influenza, un peu comme la répartition de la richesse dans la société, est présentement le lot d’une poignée d’individus ayant des accès privilégiés à des bases de données secrètes.

Toutefois, quelque chose a changé au cours des derniers mois, et nous assistons peut-être actuellement à un début de revirement de situation.

Tout d’abord, nous avons observé un événement marquant, à la mi-décembre 2007, lorsqu’un groupe de cas humains a surgi au Pakistan, et qu’un des frères infectés est retourné tranquillement chez lui, dans l’État de New York, aux États-Unis, après avoir assisté aux funérailles de son frère au Pakistan. Nous avons eu droit à un cafouillage inouï dans les déclarations à propos des cas rapportés, et ce qui était l’évidence même – de la transmission interhumaine du H5N1 – a fini par ne pas être confirmé. Le concept du partage des informations concernant les données séquentielles s’est avéré être un leurre collectif et quelque chose a basculé à cet instant précis. Comme une sorte de faille, de coupure dans le temps. Par ailleurs, comme si cela n’était pas suffisant, les membres de la sphère du Flublogia ont également fini l’année en sanglots, le 27 décembre, avec l’assassinat de Benazir Bhutto, chef de l’opposition officielle du Pakistan. La veille du Jour de l’An, plusieurs ont dû contempler songeusement leur coupe de champagne et trouver que tout avait désormais pris un goût amer. La crédibilité de l’agence mondiale de la santé publique venait de prendre un coup terrible, et la fin de l’année emportait dans sa tombe nos derniers espoirs de réussite d’une surveillance mondiale efficace contre la grippe aviaire.

Les mois ont passé, mais la secousse était puissante, et elle a dû être ressentie jusqu’aux hautes sphères de l’Organisation mondiale de la santé. Keiji Fukuda, coordonnateur du programme mondial de l'influenza de l'OMS, a déclaré cette semaine que «davantage de partage dans la recherche était nécessaire. En développant un agenda de recherche en santé publique de l'OMS (sur l'influenza), nous essayons de pousser pour un changement de paradigme. Ce que nous espérons améliorer est le genre de partage et l'échange d'information, et le porter à un autre niveau", a-t-il indiqué.

La situation alarmante de la Corée du Sud a-t-elle quelque chose à voir avec cette déclaration de l’OMS? Chaque fois qu’il survient des cas humains suspectés de grippe aviaire, il se déclenche une bataille féroce de mots. Certains tirent sur la couverture pour que soient confirmés des cas humains, alors que d’autres tirent sur l’autre bout de la couverture pour que l’évidence des infections humaines soit cachée aux yeux de tous. Les stratèges déploient des efforts surhumains d’imagination pour trouver des portes de sortie au déni. À la longue, ce genre de situation finit par lasser, surtout que ce petit jeu se trame dans le dos de la santé mondiale, et que chaque jour qui passe, chaque nouvelle fausse information est un point de plus compté par le virus, qui lui, se fiche éperdument des débats. Pendant que le monde se chamaille, le virus court allègrement.

Donc nous avons eu droit à une belle déclaration honorable cette semaine. Reste à voir maintenant comment cela s’articulera dans la réalité, et quelles mesures seront mises en œuvre pour faire appliquer ce nouveau paradigme du partage des informations issues de la recherche scientifique sur l’influenza. Le Dr Henry Niman, dans «Écart de paradigme dans la collaboration ayant trait à la recherche sur l’influenza» analyse admirablement bien la problématique mondiale du partage des données.

Par ailleurs, un autre évènement marquant étant survenu le 9 mai dernier - l’incident dans le train canadien - pourrait avoir été suffisamment puissant pour faire basculer le cours des choses à l’intérieur du pays. Quelques jours après qu'ait eu lieu cette situation d’urgence, un quotidien montréalais, La Presse, a eu recours à la Loi sur l’accès à l’information gouvernementale pour obtenir des détails d’un contrat passé entre le gouvernement du Québec et l’agence BCP, pour «produire un plan de communication, des documents d’information et une vigie médiatique en cas de pandémie».

Le journaliste Denis Lessard révèle par ailleurs qu’un site Internet, «Portail Veille pandémie», a été créé par l’agence BCP «pour permettre aux employés du ministère de la Santé d’avoir une connaissance immédiate des progrès de la grippe aviaire dans le monde». Alors, tout comme à l’OMS, il semblerait qu’il existe au gouvernement du Québec une base de données secrète d’information sur la grippe aviaire, et cette information privilégiée ne bénéficie qu’à une poignée d’individus employés au sein de l’administration de l’État.

Le site Internet Zonegrippeaviaire, qui est également un «Portail Veille pandémie», serait donc en quelque sorte le miroir opposé du site privé constitué par l’agence BCP. Nous pouvons constater, que même au Québec, se trouvant assez loin des couloirs du pouvoir de Genève, il existe deux mondes en ce qui a trait à l’information sur la grippe aviaire: la sphère gouvernementale d’un côté, et les informations générées par des individus travaillant sur une plate-forme publique de l’autre. L’article de La Presse indique par ailleurs que le gouvernement du Québec a versé plus de 2 millions de dollars en trois ans à l’agence BCP, et que le patron de BCP, John Parisella, agit également à titre de conseiller «bénévole» auprès du premier ministre Jean Charest.

Alors, combien, d’après vous, vaut le travail acharné et persévérant, contre vents et marées, effectué par des individus honnêtes et dévoués, qui participent généreusement à la sphère du Flublogia, par amour de leur prochain, dans le but de faire avancer les connaissances mondiales sur la grippe aviaire, et sensibiliser le plus grand nombre de personnes possible à la menace d’une éventuelle pandémie? La réponse, sort tout droit d’une publicité télévisée de cartes de crédit MasterCard: «Ça n’a pas de prix».

Espérons que les planificateurs québécois auront lu cette semaine, et digéré comme il se doit, la déclaration de Keiji Fukuda de l’OMS (mentionnée ci-dessus), et qu’à la lumière de ces développements, ces personnes agiront en conséquence vers un partage public des informations sur l'influenza aviaire, et vers une reconnaissance, à la hauteur de leurs compétences et connaissances, des membres de la sphère du Flublogia, qui se dévouent, jour après jour, 7 jours sur 7, 365 jours par année, pour faire en sorte que triomphe la notion du partage de l’information ayant trait à l’influenza aviaire, et que, ultimement, chaque citoyen ait accès aux outils d'empowerment lui permettant de renforcer son auto-suffisance face à la menace d'une pandémie.

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