Mark Andersen, Rubberball Productions, #73329558. Libre de droits
Un microbiologiste québécois, Jacques Goulet (également professeur à l’Université Laval) est d'avis que nous sommes loin d'en avoir terminé avec la listériose au Québec, même après le grand ménage apparemment effectué dernièrement chez les fromagers par le gouvernement du Québec, qui y serait allé un peu trop fort, de l'avis des commerçants de fromage qui ont subi des pertes. «Il est donc loin d’être acquis que les endroits visités par les inspecteurs du MAPAQ cette fin de semaine sont désormais sans faille. Pas plus que les milliers d’autres laissés pour compte d’ailleurs», a averti Jacques Goulet.
Jacques Goulet. Photo source
On peut comprendre pourquoi ceux qui gagnent leur vie dans la production de fromage puissent être indignés par des mesures un peu drastiques mises rapidement en place par les autorités gouvernementales pour contrôler une éclosion de bactérie pouvant s’avérer mortelle pour les humains.
Ce que je ne comprends pas trop, cependant, c'est l'étrange déclaration d'un membre du Parti Québécois, qui a accusé le gouvernement du Québec de «créer une crise de confiance».
J’avoue que je suis pratiquement tombée en bas de ma chaise lorsque j'ai lu l’article du Matin, rapportant une déclaration de Maxime Arseneau, porte-parole péquiste en matière d'agriculture, de pêcherie et d'alimentation. Le quotidien indique qu’il a qualifié de «geste intempestif» l'opération du MAPAQ.
Je trouve très déplacé que ce monsieur appuie les revendications des producteurs et marchands de fromage, au détriment des intérêts de la population québécoise, qui court ENCORE de probables risques d'être infectée.
J'ai l'impression que les propos de Maxime Arseneau sont en contradiction avec ceux de Bernard Drainville, chargé de critiquer la santé au même parti. Les deux députés se sont-ils consultés avant que soit faite cette déclaration?
Bernard Dranville a déclaré le 29 août dernier: «Le Ministère va un peu à tâtons, et le ministre n'a pas l'air sûr de lui. Il est hésitant, déplore Bernard Drainville, du PQ. Il doit être présent, rassurant et être certain que l'information qu'il donne est la bonne.» Le 3 septembre, Bernard Drainville a demandé au ministre Yves Bolduc de revoir tout le processus en cas de rappel de produits contaminés.
Cela ne me plait guère de voir un parti d'opposition prendre la défense des fromagers (surtout après avoir dit que le gouvernement n’était pas assez rassurant pour la population, ni sûr de lui), alors que nous n'avons encore aucune idée de l'ampleur que pourrait prendre la crise de listériose au Québec, étant donné qu'il a été répété à maintes reprises que des symptômes occasionnés par une infection de listériose peuvent survenir jusqu'à 70 jours après consommation d'un aliment contaminé.
Je suis très déçue de lire cette déclaration du député Arseneau, et inquiète pour le sort des gens. Je trouve qu'il est encore beaucoup trop tôt, dans la présente crise, pour se porter au secours des commerçants, alors que l'épée de Damoclès pend encore dangereusement au-dessus de la tête de la population québécoise.
C'est plus fort que moi, je ne peux m'empêcher de projeter cette situation dans une hypothétique crise de grippe aviaire. De toute façon, ceux qui me connaissent suffisamment savent que c’est ce que je fais toujours…
Imaginons par exemple qu'un important foyer d'infection de grippe aviaire se déclare dans une ferme d'élevage du Québec. 30,000 poulets tombent raides mort en l'espace de quelques heures. Les autorités québécoises se mettent alors à abattre les 100,000 poulets qui restent de cet élevage et désinfectent les installations. Les autorités abattent aussi tout ce qui a des ailes et court sur 2 pattes dans un rayon de plusieurs kilomètres de la ferme touchée par le virus de la grippe aviaire.
Ensuite, le foyer d'infection de H5N1 se répand malheureusement à une autre ferme. Autre abattage massif. Puis à une autre ferme. Autre abattage massif. Et ainsi de suite… Les autorités gouvernementales sont obligées d'abattre des millions de poulets en l’espace de quelques semaines, comme cela s’est fait dans plusieurs pays d’Asie, notamment en Corée du Sud dernièrement, qui a dû combattre beaucoup plus férocement qu’à l’habitude un virus démontrant de nouveaux comportements et se propageant à la vitesse de l’éclair.
Ensuite, que pensez-vous que feront les éleveurs de poulets québécois? Ils seront insultés! Ils vont protester, parce qu’ils prendront des centaines de milliers de dollars, voire des millions de dollars en un très court espace de temps. Les éleveurs de volailles devront probablement congédier des employés. Les consommateurs québécois seront frileux à propos de la volaille et ils auront très peur de contracter la grippe aviaire. Les gens vont cesser d’acheter du poulet, et ils se rabattront sur les poissons et les viandes de bétail.
Un scénario de ce genre, nous en avons vu se dérouler des centaines sous nos yeux au cours des dernières années, dans le cas de la grippe aviaire.
Nous plaira-t-il d’entendre les porte-paroles de l’opposition plaider en faveur des commerçant touchés par le virus de la grippe aviaire, alors que nous risquerons d’être contaminés par ce dangereux virus mortel? Trouverons-nous, dans des circonstances de flambée de grippe aviaire, qu’il est de mise de critiquer un gouvernement qui applique des normes de surveillance des épidémies et de l’accuser de «créer une crise de confiance»?
Si ces comportements ne sont pas souhaitables dans une situation de grippe aviaire (et j’espère que nous ne les verrons jamais se réaliser ici, au Québec), je suis atterrée de constater que de telles déclarations ont eu lieu dans un contexte d’éclosion de listériose.
Une critique plus appropriée aurait été de réclamer des compensations financières pour les pertes provoquées par l'éclosion de listériose. Les pays touchés par la grippe aviaire ont mis sur pied des programmes de compensation pour aider l'industrie alimentaire à se remettre des conséquences des flambées du virus.
Je suis très préoccupée par ce qui pourrait arriver, si jamais nous devions combattre, ici au Québec, d’importants foyers d’infection de grippe aviaire chez la volaille et chez les humains.
D’un côté, nous avons un gouvernement qui agit lorsque survient une situation d’urgence de santé publique, mais qui gagnerait à être davantage transparent dans ses communications avec la population et beaucoup plus concis dans sa présentation des faits réels. D’un autre côté, nous avons une opposition qui manque de cohérence dans ses interventions. Alors que certains porte-paroles font des efforts pour défendre les intérêts de la population, d’autres démolissent ce qui aurait pu être dit, en se portant à la défense des marchands éplorés. Dans ce cas, j’ai bien peur qu’il ne reste plus personne pour défendre l'intégrité et la fiabilité du système de santé publique au Québec.
Quelqu’un a-t-il parlé d’une «crise de confiance»? Quand à savoir qui la provoque au juste, et en qui nous devrions avoir confiance, je vous laisse méditer là-dessus…
Aucun commentaire:
Publier un commentaire