Blogue de Lyne Robichaud

18 novembre 2008

Listériose: faux pas monumental du ministre de la Santé Yves Bolduc

Listériose: faux pas monumental du ministre de la Santé Yves Bolduc, qui ne s'avère pas de bon augure, dans l'éventualité d'une pandémie d'influenza

Paru le jeudi, 28 août 2008, dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com


Photo Jean-Claude Tremblay. Photo source
Le Dr Horacio Arruba, directeur de la protection de la santé
publique au ministère de la Santé, et Guy Auclair, du MAPAQ,
ont fait le point, hier, sur les cas de listériose au Québec.

J'ai écouté hier matin la conférence de presse du Dr Horacio Arruba, qui a été diffusée sur les ondes de Radio-Canada International (RDI). Somme toute, la période de questions s'est avérée plus intéressante que le point de presse prononcé par les deux responsables...

J'ai pris des notes en pensant rédiger un billet à ce sujet, mais je n'ai pas eu l'occasion hier de concrétiser ce projet. Ce qui m'a le plus frappée, c'est l'absence d'information concernant les victimes. Elles n'étaient pas nombreuses, alors je ne peux pas croire que les autorités ne connaissaient pas le sexe, l'âge, la région administrative, et les symptômes des victimes de la listériose au Québec. Un journaliste a répété TROIS FOIS clairement à M. Arruba sa question: "Dites-moi le sexe, l'âge, la région administrative, les symptômes, et les détails à propos des victimes". TROIS FOIS. La réponse a été "Je n'ai pas ces données. Elles seront publiées à un moment donné sur le site Internet."

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais de mon côté, je ne peux pas faire autrement qu'associer la situation actuelle à une éventuelle pandémie. En ce qui concerne la listériose, ce n'est pas un virus, alors il n'y a pas lieu de s'inquiéter de contracter une maladie par contact avec d'autres personnes. Le fait de savoir ou non dans quelle ville ou dans quelle région administrative surviennent les victimes est un enjeu moins important que dans le cas d'un virus comme le H5N1, par exemple. J'ai été étonnée de constater que les détails à propos des victimes n'étaient pas divulgués. Je ne cherche pas à connaître leur nom, ni à voir leur photos dans les médias. Juste les éléments que l'on retrouve habituellement dans les bulletins de situation de l'OMS: âge, sexe, symptômes, date de début de maladie, date du décès, ville, hôpital. Ce genre de choses.

Si vous vous en rappelez, lorsque nous avons eu l'incident du train en Ontario (en mai 2008), il a également été très difficile d'obtenir de l'information sur les victimes et les cas suspectés. Il a même été dit que la victime était très avancée en âge, alors qu'elle avait en réalité une quarantaine d'années. Le Dr Henry Niman avait averti le 11 mai dernier que la situation manquait de transparence et qu'elle était très confuse:
Les commentaires de reportages de médias publiés vendredi soulèvent un certain nombre de questions de transparence à propos de l'urgence médicale dans un train au Canada. Le cas fatal a été déclaré avoir eu des symptômes d'influenza avant de monter à bord du train à Jasper, en Alberta et sa mort a provoqué une situation d'urgence médicale, qui était composée de symptômes apparentés à l'influenza chez d'autres voyageurs appartenant au même groupe d'excursion.
Cependant, les reportages subséquents de médias ont indiqué que la plupart des six companions de voyage avaient testé positif à l'influenza A, et que le cas fatal était mort de causes "naturelles". Toutefois, la personne décédée a été initialement décrite comme étant dans la soixantaine, suivi par 86 ans, suivi par une identité d'une personne âgée de 43 ans et provenant de l'Afrique du Sud. L'âge relativement jeune de la défunte a augmenté les préoccupations.

L'historique de voyage de ce groupe d'excursion demeure nébuleuse. Des reportages antécédents ont indiqué que les membres du groupe sont originaires de l'Australie, et qu'ils ont voyagé à travers l'Asie avant d'arriver au Canada. Cependant, le cas index est originaire de l'Afrique du Sud, alors la véritable historique de voyage demeure nébuleuse.

De même, le sérotype de la grippe saisonnière n'a pas été publié, et la synchronisation de leur confirmation en laboratoire de la grippe saisonnière, relativement au dégagement des autres passagers, demeure nébuleuse.

Des détails concernant le sérotype de l'influenza, l'historique de voyage, et l'autopsie de la défunte patiente seraient utiles. "
Je me pose de sérieuses questions sur cette tendance des autorités canadiennes et québécoises à être peu enclines à divulguer de l'information de base sur les cas suspectés et confirmés. Au début du déclenchement d'une pandémie, ces informations seront cruciales pour la population. En effet, j'aimerais savoir, si jamais il survient une éclosion de grippe aviaire au Québec, quelle région administrative sera touchée, dans quelle ville, et même dans quel quartier et quel hôpital se trouveront les cas suspectés et confirmés. Comment serons-nous en mesure de nous protéger, si ces éléments fondamentaux-là ne nous sont pas divulgués?

Un autre élément dérangeant a émergé dans les nouvelles d'aujourd'hui. Il paraîtrait que des familles des victimes de listériose n'ont pas été contactées, et qu'il n'y a pas eu d'enquête, ou "investigation" comme n'arrêtait pas de le dire hier le Dr Aruda (c'est un anglicisme, et mes oreilles vibraient à chaque fois qu'il prononçait ce mot). Pourtant, lors de la conférence de presse d'hier, les deux responsables ont insisté sur le nombre d'inspecteurs et ont affirmé que tout était mis en oeuvre pour assurer un contrôle de l'éclosion. Une autre question d'un des journalistes présents, qui a demandé s'il y avait suffisamment d'inspecteurs pour suffire à la tâche, et puis une autre question qui portait sur la fréquence des inspections des entreprises, aurait dû sonner l'alarme dans mon esprit, mais j'étais à ce moment-là encore trop préoccupée par l'absence de données à propos des victimes pour galoper au-devant de possibles failles au sein des enquêtes épidémiologiques...

Voici ce qu'a rapporté LCN aujourd'hui:
"Les agences gouvernementales qui enquêtent sur les cas n'auraient apparemment pas contacté toutes les familles des victimes.

Selon La Presse, les proches d'une victime, décédé la semaine dernière à Longueuil, n'auraient jamais reçu d'appel des autorités.

Raymond-Marie Morin, âgé de 71 ans est mort jeudi dernier de complications liées à la listériose.

Le ministre de la Santé, Yves Bolduc, et les responsables de la Santé publique assurent pourtant que toutes les personnes qui ont été en contact avec l'aliment contaminé sont rejointes."
À qui doit-on se fier? D'après vous, qui dit la vérité? Les familles des victimes, qui se plaignent que le système d'enquête et de surveillance est défaillant, ou bien le ministre de la Santé Yves Bolduc, qui prétend que ce que ces gens-là racontent est faux?

Je n'aime pas cela, que ne n'aime donc pas cela... ce genre de déclaration officielle, qui écrase les propos de certains citoyens dans le deuil ou qui font face à la maladie. Je trouve qu'il s'agit-là d'un monumental faux pas de la part du ministre de la Santé, et une avant-première de ce qui va se passer lors de la pandémie. Les autorités auront beau nous faire accroire qu'elles seront en mesure de contenir les flambées de virus pandémique, et que des services psychologiques seront disponibles pour les familles éplorées, à les voir aller en se moment, notre ministre de la Santé et ses acolytes, je peux vous affirmer que je me surprends à adopter très souvent la pose du penseur de Rodin, et que je me gratte le crâne, avec de très nombreuses préoccupations en tête.


Rodin. Photo source

[Je n'avais pas particulièrement l'intention d'écrire un billet sur cette conférence de presse, mais finalement, j'en ai fait un!]

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