Blogue de Lyne Robichaud

18 novembre 2008

Quand la chance nous sourit: un risque pandémique mi-figue mi-raisin

Paru le dimanche, 2 novembre 2008, dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com


Avez-vous remarqué qu’un nouveau mot a dernièrement fait son entrée officielle dans le discours des agences internationales concernant le risque de pandémie? La «chance». Un article mentionnant ce mot, signé par Pierre Melquiot dans Actualités News Environnement, a attiré mon attention: «Grippe aviaire, la chance a permis d’éviter une virulente épidémie en 2008?».

Venant de la part d’une institution aussi respectable que la Banque mondiale, il est étonnant de constater que la «chance» se retrouve désormais sur les lèvres de porte-parole associés à la coordination des mesures pour lutter contre la grippe aviaire. Car jusqu’à présent, l’heureux hasard n’était absolument pas de circonstance pour décrire la situation mondiale du risque pandémique. Le discours officiel cherchait surtout à souligner à quel point le virus était sous contrôle, tel qu’on peut encore le lire sur la page d’accueil du site gouvernemental Pandémie Québec (10 septembre 2008): «L'Organisation mondiale de la santé (OMS) considère présentement que le risque d'éclosion d'une pandémie d'influenza, provoquée par la transmission d'humain à humain du virus H5N1 de la grippe aviaire, demeure important mais qu'il est bien contenu

Le nouveau discours officiel est tout autre, puisque les autorités internationales indiquent maintenant deux possibilités, dont la nouvelle alternative est loin d’être associée à la notion de contrôle: «L’apparente accalmie dans la propagation du virus de la grippe aviaire pourrait être due autant à la chance qu’à l’effort international pour détecter, prévenir et combattre la maladie», ont exprimé les experts de la grippe aviaire, qui se sont réunis en Égypte le week-end dernier à l’occasion de la Sixième Conférence ministérielle internationale sur l'influenza aviaire et l'influenza pandémique.

Cette déclaration me semble être, en langage diplomatique, un compromis acceptable mi-figue mi-raisin (entre l’agréable et le désagréable), qui laisse au lecteur le choix de deviner la réponse à la brûlante question: Pour quelle raison la pandémie ne s’est-elle pas encore déclenchée?

Les personnes qui suivent de près les nouvelles portant sur la grippe aviaire trouveront une mince consolation dans ce nouveau vocabulaire, car elles savent que de nombreux cas d’infection ne sont pas détectés, ou ne sont pas déclarés. L’apparente accalmie, aux yeux de certains, pourrait s’expliquer par un black-out d’information, de nombreux cas passant sous le radar de la détection, le déni de cas, ou encore le fait que d’autres cas pourraient être mal diagnostiqués et imputés à d’autres maladies.

Cela me plaît que le mot «chance» se retrouve en premier lieu dans l’énumération des deux éléments mentionnés par les autorités internationales - dans l'article de Pierre Melquiot du moins - avant même l’effort mondial déployé pour détecter, prévenir et combattre la maladie. Les autorités parlent à mots couverts, mais je suis rassurée que «chance» ait été introduit dans le discours officiel. Cela ouvre la porte à une dimension intangible et impossible à définir, mais dont l’intuition de ceux et celles qui perçoivent les zones grises, entrevoient néanmoins toute la menace de la situation.

«Nous sommes arrivés à un tournant dans la lutte internationale contre les maladies infectieuses», affirme Piers E. Merrick, qui constate que «nous avons certes lutté efficacement contre les grippes aviaire et humaine, mais face à un grand nombre de ces maladies, il faudra adopter un plan d’actions à long terme, plus sophistiqué et plus complet.»

Nous verrons de quelle manière s’articulera une planification des États «plus sophistiquée et plus complète» au fil des prochains mois. D’ici la fin de l’année, l’OMS a annoncé qu’elle déposerait de nouvelles directives axées sur quatre thèmes de développement (d'après Revision of the Pandemic Influenza Preparedness Guidance - An Update on the Drafting Process): 1) emphase sur une préparation soutenue, 2) considérations légales et éthiques, 3) rôle crucial des communications, et 4) approche «société dans son ensemble».

Il est probable que l’année 2009 sera un bon cru pour les mordus de préparatifs pandémiques!

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