Paru le samedi, 13 septembre 2008, dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com
Martine Letarte dresse aujourd'hui dans Le Devoir un bilan du mandat de cinq ans de l'ex-ministre Philippe Couillard, à la tête la Santé du Québec. Ce que je retiens de cet article, c'est que malgré l'important travail réalisé de réforme de grands réseaux intégrés de services, certains affirment que le ministre s'est trompé de cible.
Il est possible que dès le départ, l'analyse de ce dossier n'ait pas été enlignée dans la bonne direction. Un travail gigantesque a été effectué par la suite, mais toujours pas dans le bon sens...
Je ne suis pas une spécialiste de la réforme des réseaux intégrés de services de santé au Québec. Je note toutefois que pour ce dossier majeur, il est survenu un dérapage magistral. Nous pouvons observer qu'il persiste encore trop d'attente aux urgences (j'en sais quelque chose pour l'avoir vérifié moi-même il y a une dizaine de jours).
La réforme des réseaux intégrés de services est passée à côté de la plaque, comme l'a indiqué le Dr Réjean Hébert, doyen de la faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke: "Pour améliorer la situation aux urgences, on doit s'occuper de tout ce qui vient avant et de tout ce qui vient après, donc les soins de première ligne et la réadaptation. Ainsi, il n'y a pas eu de révolution dans les urgences."
J'entrevois de mon côté un dérapage majeur dans le dossier de la planification de pandémie (un dossier initié pendant le mandat de Philippe Couillard), parce que le gouvernement du Québec ne se préoccupe pas de "tout ce qui vient avant et après". Cela se passe exactement comme pour la réforme des réseaux intégrés de services de santé. Je prévois par conséquent que la planification de pandémie du gouvernement du Québec s'en va dans le mauvais sens, notamment parce que la mitigation des communautés est totalement négligée et que le citoyen n'est pas inclus dans le processus des préparatifs pandémiques.
Les planificateurs québécois de pandémie se concentrent sur des mesures d'intervention pharmaceutique (ils se bornent par exemple à acheter des médicaments: antiviraux, vaccins, infections secondaires), alors que les interventions non pharmaceutiques sont gravement négligées.
Les interventions non pharmaceutiques sont plus compliquées à mettre en oeuvre et nécessitent davantage de travail de planification et d'intervention. Les interventions non pharmaceutiques exigent aussi beaucoup d'esprit créatif, de leadership, de même qu'une volonté de collaboration et de communication avec la population. Pour impliquer les citoyens dans un tel processus complexe, il faut d'abord arriver à reconnaître que les citoyens jouent un rôle important et vital dans une situation de crise majeure de santé publique, comme l'est une pandémie d'influenza. Il faudrait que les planificateurs de pandémie et les décideurs arrivent à faire confiance aux citoyens, et qu'ils cessent de penser que les citoyens sont stupides et qu'ils ne comprennent rien à rien...
Voici l'article faisant le bilan des réalisations de l'ex-ministre Philippe Couillard, publié aujourd'hui dans Le Devoir.
Philippe Couillard au ministère de la Santé - Un bilan controversé
Samedi 13 et dimanche 14 septembre 2008 | Par Martine Letarte | Le Devoir
«Cinq ans, c'est long et c'est du jamais vu!»
Cinq ans à la tête du ministère de la Santé et des Services sociaux. Un record de longévité qu'a établi Philippe Couillard, neurochirurgien de formation. Mais, sur le terrain, quel bilan de ses réalisations dressent ses anciens collègues des facultés de médecine? Le Devoir a posé la question à François Béland, professeur au département d'administration de la santé de la faculté de médecine de l'Université de Montréal, et à Réjean Hébert, doyen de la faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke.
D'entrée de jeu, les deux experts interviewés ont voulu saluer la longévité de l'ex-ministre de la Santé. «Cinq ans, c'est long et c'est du jamais vu! Le ministre de la Santé est à la tête d'une entreprise de 20 ou 25 milliards et Philippe Couillard aura au moins réussi à y apporter un peu de stabilité», indique M. Béland.
«Philippe Couillard a fait preuve d'un sens politique exceptionnel en réussissant à imposer et à maintenir la santé parmi les priorités du gouvernement. Il a aussi réussi à bien informer la population», croit pour sa part le Dr Hébert.
La réforme Couillard
Toutefois, lorsqu'ils regardent les réalisations de Philippe Couillard, les deux spécialistes sont plus critiques. D'abord, tous deux considèrent la réforme Couillard comme une réalisation majeure de son mandat. En résumé, cette réforme a créé de grands réseaux intégrés de services, les CSSS, en fusionnant les CLSC avec les CHSLD et, dans plusieurs cas, avec l'hôpital de la région.
«Comme les budgets ont aussi été fusionnés, cela devait permettre une plus grande souplesse. L'idée n'était pas mauvaise, mais le problème, c'est que les CSSS ne jouissent pas actuellement d'une liberté d'action. Par exemple, un CSSS ne peut décider actuellement de fermer des lits dans son CHSLD pour investir davantage dans les soins à domicile. Pourtant, dans la logique de la réforme Couillard, les CSSS devraient avoir cette liberté de bouger leurs sous selon leurs besoins», affirme François Béland.
De plus, le spécialiste croit que le réseau continue de souffrir énormément de cette réforme. «Le réseau est très essoufflé actuellement.»
Le Dr Hébert est du même avis. «Les fusions ont créé beaucoup de remous. Le système de santé est maintenant embourbé dans une réforme de structure, au lieu de concentrer ses énergies dans la qualité des soins offerts. Il y a beaucoup de démotivation auprès du personnel et de perte du sentiment d'appartenance à leur établissement. Peut-être que, à long terme, on verra les effets bénéfiques de la réforme Couillard, mais ce n'est pas le cas présentement», affirme-t-il.
Peu médecins de famille, trop d'attente aux urgences
Les deux spécialistes s'entendent aussi pour dire que la réforme Couillard n'a pas suffisamment mis l'accent sur le développement des Groupes de médecine familiale (GMF).
«La réforme prévoyait une meilleure intégration des médecins de famille aux CSSS, mais le ministre n'est pas allé assez loin dans cette direction. De plus, il est évident qu'il n'y a pas assez de GMF, entre autres parce que le processus bureaucratique pour en créer est beaucoup trop lourd. Aussi, les GMF n'ont pas suffisamment de ressources à leur disposition: ils manquent surtout d'infirmières praticiennes», croit François Béland.
Aux yeux du Dr Hébert, Philippe Couillard s'est tout simplement trompé de cible.
«Comme le grand problème était l'engorgement des urgences dans les hôpitaux, il a voulu régler le problème en s'attaquant aux hôpitaux. Or, pour améliorer la situation aux urgences, on doit s'occuper de tout ce qui vient avant et de tout ce qui vient après, donc les soins de première ligne et la réadaptation. Ainsi, il n'y a pas eu de révolution dans les urgences, comme le dénonçait l'opposition ce printemps.»
En mai dernier, Bernard Drainville, le porte-parole du Parti québécois en matière de santé, a annoncé que, selon les données du Centre de coordination nationale des urgences, les temps d'attente étaient toujours aussi longs qu'il y a cinq ans dans les urgences des hôpitaux du Québec.
(Suite)
Source: www.ledevoir.com
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