Blogue de Lyne Robichaud

18 novembre 2008

En Mauricie [Québec], on nous recommande de ne pas nous «faire prendre les culottes baissées»

En Mauricie [Québec], on nous recommande de ne pas nous «faire prendre les culottes baissées» mais on ne nous précise pas pour combien de temps il faut stocker une réserve de vivres et de matériel!

Paru le vendredi, 5 septembre 2008, dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com

Je devrais visiter les toilettes des salles d’urgence d’hôpitaux plus souvent... À part des germes potentiels, virus et autres microbes, et beaucoup de papier de toilette jonchant le plancher, on y trouve parfois des choses intéressantes... Je suis ainsi tombée par hasard sur une très belle affichette qui recommande de stocker des vivres et des biens essentiels en cas de situation d’urgence. Mon enfant a bouchonnée l’affichette en petite boule, le temps d’une minute de distraction, alors je m’excuse pour la mauvaise qualité de reproduction de cet outil de communication.



Observez que sur cette affichette, la pandémie de grippe arrive en Numéro 1 (tiens donc!) de l’énumération de ce qu’est une situation d’urgence: pandémie de grippe, inondation, verglas, panne d’électricité prolongée). Certaines sections des autorités gouvernementales québécoises auraient-elles donc compris que la pandémie de grippe est la menace No. 1 de la nation? C’est ce qu’ont pourtant affirmé publiquement le gouvernement britannique, de même que l’Union européenne.

Il s’agit d’une bien jolie affichette, mais le problème principal avec cette publicité, c’est qu’elle ne dit absolument pas pour combien de temps il faut stocker des vivres et des biens essentiels. Ce que je trouve extrêmement curieux. On ne retrouve pas les 72 heures habituellement recommandées par les autorités gouvernementales canadiennes. On ne retrouve pas non plus les 2 semaines recommandées dans le futur Guide d’autosoins en cas de pandémie d’influenza, pas encore publié par le gouvernement du Québec, et prévu pour distribution en 5 millions d’exemplaires au moment du déclenchement d’une pandémie.

Aux États-Unis, on peut lire des recommandations officielles publiques variant entre 2 semaines à 3 mois. Le site Internet géré par Nez Perce County, en Idaho, Get Pandemic Ready, recommande 3 mois de stockage de nourriture et autres biens essentiels.

Par ailleurs, des chercheurs de l’Université de Sydney ont expliqué pour quelles raisons il est préférable de stocker des denrées et autres produits avant le déclenchement d’une pandémie, et ils ont prédit que l’Australie allait manquer de tout en moins de 2 semaines après le déclenchement d’une pandémie, étant donné que le marché agro-alimentaire est contrôlé par des entreprises ayant le monopole de la fabrication et de la distribution. Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose, en lien avec notre situation canadienne? Comme Maple Leaf Foods et la présente crise de listériose, par exemple?

L’expert en influenza, le directeur du CIDRAP de l’Université du Minnesota, Dr Michael Osterholm, a prédit pour sa part que nous manquerions de tout DÈS LES PREMIERS JOURS d’une pandémie:
«Je crois que la prochaine pandémie de grippe, même de nature la plus modérée, serait l'un des événements les plus catastrophiques de santé publique de notre histoire. J'arrive à cette conclusion en raison de: l'envergure de la population mondiale actuelle (approximativement 6,5 milliards, comparée à 1,2 milliards en 1918), la probabilité d'un manque de réserve de vaccins efficaces au début de la pandémie, et l'existence de l'économie «juste-à-temps» [just-in-time], qui signifie que nous épuiserons la plupart des produits et services essentiels, comme les médicaments et les vaccins, d'autres fournitures médicales, et même la nourriture, dès les premiers jours de la pandémie».
Je ne sais pas à quelle date cette affichette jouant sur la métaphore des «culottes baissées» a été produite. Il n’y a pas de petit texte écrit en minuscule indiquant la date, ou encore comme pour les règlements d’annonces de voitures, de descriptions qu’il faut lire avec une loupe donnant des détails de l’offre. À l’exception de la mention du design graphique effectué par Julie Plamondon, et de 7 logos affichés en bas de la publicité, je n’ai trouvé aucun autre indice à propos de la date de création de l’affiche ou encore du nombre de jours de stockage de vivres et autres biens. Les 7 logos démontrent qu’il s’agit d’une publicité LOCALE destinée au public-cible de la région administrative de la Mauricie et du Centre-du-Québec:
- Centre jeunesse de la Mauricie et du Centre-du-Québec
- Centre de services en déficience intellectuelle de la Mauricie et du Centre-du-Québec
- Domrémy Mauricie / Centre du Québec, centre de réadaptation en dépendance
- Centre hospitalier régional de Trois-Rivières
- Centre de santé et de services sociaux de l’Agence de santé et des services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec
Je trouve qu'avoir pensé et pris le temps de produire cette affichette est une excellente initiative, et que l’image choisie pour illustrer le texte permet de comprendre le message en un quart de seconde. J’espère que nous verrons de nombreux autres outils de ce genre, plein de fraîcheur, de couleurs vives et attrayants à consulter. Il s’agit d'un bon travail de graphisme et de publicité. Le seul GROS problème, à mon avis, c’est que cette affichette n’indique pas le nombre de jours de réserve stratégique individuelle. Et malheureusement, pour cette raison, malgré tous les autres aspects positifs que j'ai identifiés, je dois vous indiquer que je pense que c’est un flop.

Et j’ai l’impression que c’est délibéré. Cela cache-t-il une situation inconfortable entre deux chaises qu’occupe l’agence régionale de la Mauricie / Centre-du-Québec? Le 72 heures de réserve n’est pas suffisant pour répondre aux situations d’urgence mentionnées dans l’affichette. Donc les planificateurs ne l’ont pas mentionné. Les 2 semaines de réserve (qui correspondent au Guide d’autosoins), étant donné que le gouvernement du Québec n’a pas été encore suffisamment stratégique pour le recommander aux citoyens Québécois, les agences régionales qui souhaiteraient agir quand même auprès de leur population afin de mieux préparer les gens aux situations d’urgence se retrouvent dans de beaux draps, avec les mains liées.

On assiste alors à la création d’outils de communication vagues et beaucoup moins efficaces que ce qu’ils pourraient l’être, s’ils osaient recommander des vrais chiffres. C’est notamment le cas pour cette affichette, qui n’ose pas déclarer à combien de jours la réserve individuelle devrait correspondre. À mon avis, c’est encore un autre exemple de «gaspillage de temps et d’argent» pour produire des outils incomplets qui ne veulent pas dire grand-chose pour le commun des mortels. Ce genre d'outils n’aura probablement aucun impact de protection efficace et de réelle mitigation des communautés visées, étant donné qu’il échoue à fournir les informations les plus importantes, les données vitales qui pourraient faire toute la différence en situation d’urgence, entre un certain état de confort relatif et la panique, et peut-être même entre la vie et la mort.

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