Blogue de Lyne Robichaud

20 novembre 2008

Des exercices de simulation de pandémie risquent de soulever de nombreuses problématiques


Jamie Grill, Tetra image, libre de droits, #82137051

Jusqu’à présent, la majorité des nations du monde se sont contentées de rédiger des plans de lutte à une pandémie, sans pousser trop en avant la réflexion. Le 4e Rapport intérimaire mondial sur la gestion de la grippe aviaire (voir Synopsis en français), piloté par David Nabarro, coordonnateur du système des Nations unies pour la grippe, a indiqué que seulement 35% des nations avaient amorcé des simulations pour mettre à l’épreuve leur planification.

David Nabaro a déclaré le 13 novembre dernier, lors d’une conférence prononcée au Centre for Strategic and International Studies, qu’il évaluait l’état de préparation mondial de pandémie à 40% de l’objectif global. Il a précisé qu’il est en mesure de défendre cette estimation, qui s’appuie sur les travaux réalisés dans le cadre 4e Rapport intérimaire mondial. Je vous invite à consulter mon billet à ce sujet.

Nous pouvons entrevoir que la prochaine étape de préparation en vue d’une pandémie sera donc de multiplier les tests et exercices de simulation, et de dégager des conclusions de ces activités. Le plus grand défi sera ensuite d’intégrer les apprentissages dans la planification, de réécrire et modifier les plans de lutte. C’est une chose d’identifier des problématiques, mais c’en est une autre de trouver des solutions…

Je remercie Anne d’avoir publié des notes dans Facebook à propos de deux études récentes en lien avec des exercices de simulations de pandémie. Ces études ont révélé des problématiques concernant les équipements de protection personnelle (PPE) et des guides de contrôle de l’infection.

Dans la pratique, il s’avère difficile d’intégrer ces éléments aux diverses tâches quotidiennes des professionnels de soins de santé. Les conclusions de ses deux études semblent défier certaines des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, et remettent même en question la manière dont les soins et services sont actuellement délivrés.

Ces études mettent le doigt sur quelque chose d’assez inquiétant. Comment s’articuleront les pistes de solutions? J’ai bien hâte de voir la suite, et j’espère que nous (humanité) réussirons à solutionner ces problématiques.

Personal protective equipment in an influenza pandemic: a UK simulation exercise
[Équipement de protection personnelle dans une pandémie d’influenza: un exercice de simulation au Royaume-Uni]

N.F. Phina, A.J. Rylandsb, J. Allanb, C. Edwardsb, J.E. Enstonec and J.S. Nguyen-Van-Tamd

Sommaire

[TRADUCTION] L’expérience demeure limitée quant aux impacts financiers et opérationnels que l’adoption d’un guide de contrôle de l’infection de l’influenza pandémie au Royaume-Uni aura sur l’utilisation d’équipement de protection personnelle (PPE), les patients et le personnel. Nous avons tenté de cerner ces questions lors d’un exercice réel survenu dans un hôpital du nord-est de l’Angleterre.

Lors de cette simulation de 24 heures, tout le personnel d’une unité de soins généraux graves a porté des PPE et a adopté les procédures décrites dans le guide de contrôle de l’infection d’influenza pandémique du Royaume-Uni. Des équipes d’infirmière de contrôle de l’infection ont observé et noté le comportement du personnel et leurs pratiques pendant la simulation, incluant l’attitude du personnel à propos de l’utilisation des PPE.

Quoique les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé sur la probable utilisation de PPE de haut calibre (masques FFP3) se sont avérées excessives, davantage de gants et de masques chirurgicaux que prévus ont été utilisés. En dépit de formation pré-simulation, plusieurs employés manquaient de confiance dans l’utilisation des PPE et concernant la marche à suivre des mesures de contrôle de l’infection. Ils ont découvert que les PPE étaient inconfortables, et que même les tâches les plus élémentaires prenaient plus de temps à être effectuées.

De grandes quantités de rebus cliniques ont été générées: 12 sacs additionnels (soit 570 litres) de plus par jour.

Les estimations d’utilisation de PPE réalisées lors de cette simulation défient les évaluations que de grandes quantités de PPE de haut niveau sont requises, avec de considérables implications des budgets de soins de santé. Un programme d’éducation continue de contrôle de l’infection est nécessaire.

Les soins de santé, en situation de pandémie, ne consistent pas simplement à appliquer un guide de contrôle de l’infection de l’influenza pandémique à la pratique courante; les hôpitaux auraient besoin de considérer changer la manière dont les soins et les services sont délivrés.
La seconde étude pointée par Anne dans Facebook est celle-ci (mais je n’ai pas traduit le texte, que je vous invite à consulter en anglais):
Respirator-Fit Testing: Does It Ensure the Protection of Healthcare Workers Against Respirable Particles Carrying Pathogens?

Les conclusions de ces études démontrent qu'il est nécessaire de tester les plans d'urgence, qui pourraient ne pas tenir la route si les États ne trouvent pas le moyen de les ajuster et d'y intégrer les apprentissages résultant des exercices de simulation (ce que David Nabarro ne cesse de répéter, d'ailleurs).

Je me demande ce que la dernière phrase de l'étude britannique signifie exactement, et quelles en sont les implications: «Les hôpitaux auraient besoin de considérer changer la manière dont les soins et les services sont délivrés».

Quant au grand nombre de déchets produits, ce genre d'information est intéressant. Il pourrait y avoir des interruptions de services de gestion des déchets en temps de pandémie. En fait, cette étude est des plus intéressantes, et j'espère que d'autres planificateurs (en dehors de ceux du Royaume-Uni), en prendront connaissance. Y compris des gens du Canada et Québec!

Repenser totalement la manière dont les soins sont délivrés... Je n'arrive toujours pas à visualiser cela dans ma tête... Je retiens que la manière actuelle est trop compliquée. A priori, gérer un virus mortel ultra contagieux ne sera pas simple. Revoir de A à Z nos systèmes modernes de santé n'est pas une mince tâche!

Autre question: Si des simulations indiquent que le type de planification proposé par l'OMS comporte des failles, combien d'années cela prendra-t-il avant que cette réalité ne soit intégrée dans les directives globales?


Si les gens oublient ce qu'ils apprennent en formation au bout de 6 mois, cela n'est pas de bon augure. Je croyais les médecins et infirmières particulièrement bons avec leur mémoire (ces gens ne doivent-ils pas retenir des milliers de données?) Au Québec, les infirmières ont demandé au ministre de la Santé de mettre sur pied une formation particulière pour les infirmières en soins de maladies infectieuses: ce programme collégial a été refusé... (voir
L'Ordre revient à la charge - Les infirmières veulent développer une spécialité en infectiologie - Le Devoir, 4 novembre 2008).

En réfléchissant à cette histoire d'oubli des formations qui concernent une pandémie, j'ai pensé que mon cerveau (je parle pour le mien évidemment!) a une fâcheuse tendance à oublier ce qui n'est ni nécessaire ni important.

Peut-être que les personnes formées ne considèrent pas l'information relative à une pandémie suffisamment importante pour s'en rappeler? Je me demande si l'attitude des autorités gouvernementales joue sur ce tableau. Par exemple, quand on ne CROIT PAS qu'une chose puisse nous arriver, pourquoi faudrait-il se RAPPELER de protocoles nouveaux et compliqués? Si des professionnels de la santé ne pensent pas que ces formations leur seront utiles, alors je peux comprendre pourquoi leur mémoire leur joue des tours.

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