Blogue de Lyne Robichaud

18 novembre 2008

Une situation d’urgence survenue dans un train canadien soulève des préoccupations

Paru le dimanche, 11 mai 2008, dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com


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Le 9 mai dernier, il est survenu une situation d’urgence en Ontario, au Canada. Un train de Via Rail en provenance de Vancouver à destination de Toronto a été placé en quarantaine, suite au décès d’une passagère et l’apparente infection de plusieurs voyageurs avec des symptômes semblables à l’influenza.

Beaucoup d’encre a coulé, en peu de temps, à propos de cet événement. Bien qu’il ait été déclaré - dès le lendemain (le 10 mai) par Perry Kendall, l’administrateur de la santé provinciale de la Colombie-Britannique, dans un article signé par la journaliste Helen Branswell - que l’événement s’était avéré être «un test du système passé avec succès», il reste encore de nombreuses questions en suspens et il circule par ailleurs plusieurs informations conflictuelles qui ont pour effet de soulever des préoccupations.

Les autorités sont intervenues rapidement et ont immobilisé le train dans une petite localité située au nord de l’Ontario. Les passagers et l’équipage du train ont été placés en quarantaine. L’intervention sur le terrain semble avoir été effectuée dans les règles de l’art. Les personnes qui sont montées à bord du train ont porté les combinaisons de protection personnelle appropriées et l’opération d’intervention a été bien orchestrée, avec la rapidité qui s’impose désormais à l’ère post-SRAS. Dans la foulée de cet événement, Perry Kendall, a mentionné avec raison: «Je pense qu’il est important que ceci soit la nouvelle normalité. Et je pense que nous aurons des situations qui s’avèreront ne pas être des situations d’urgence, alors que nous tenterons de détecter les foyers d’infection sérieux».

Là où les choses se gâtent, c’est au niveau des communications. Nous observons de la confusion quant à l’information en circulation – ou encore n’ayant pas encore été publiée - concernant la défunte, en ce qui a trait à de nombreux éléments: son âge, son pays d’origine, son historique de voyage, le moment où elle est montée à bord, sa relation avec un groupe d’excursion, ses symptômes, les résultats de son autopsie, la cause de son décès, la date du début de sa maladie, les résultats des tests d’influenza, le sérotype d’influenza ou le nom du virus ayant été contracté à la fois par la défunte, et par les autres passagers. Cela fait beaucoup d’éléments qui demeurent en suspens.

Dans «Âge et origine de la fatalité dans un train canadien soulève des questions», Henry Niman fait remarquer que «le nombre de reportages conflictuels, incluant ceux à propos de l’âge de la patiente décédée, continuent de s’accroître», et que cela soulève des questions de transparence. Il poursuit son analyse dans «Fausse information associée avec la fatalité du train canadien», en rapportant que la défunte a été initialement décrite comme étant dans la soixantaine, suivi de 86 ans, suivi de 43 ans. Ces grands écarts dans l’âge de la patiente ont de quoi faire froncer les sourcils. Nous sommes en droit de nous demander comment il est possible que l’âge de la patiente ait été confondu par les autorités à ce point d’un écart de plus de quatre décennies. Une femme de 43 ans n’a pas l’air d’une femme de 86 ans. Comme l’indique Henry Niman, «l’âge relativement jeune de la défunte a augmenté les préoccupations».

Le pays d’origine de la défunte et son historique de voyage sont d’autres éléments qui méritent qu’on s’y attarde. Un article de la Presse canadienne du 11 mai révèle que la défunte était native de l’Afrique du Sud.

Par ailleurs, Henry Niman fait remarquer que: «Le communiqué de presse officiel n'a pas indiqué que la maladie infectieuse était de l'influenza A, et a allégué qu'il n'y avait aucun foyer d'infection dans le train, soi-disant du fait que les passagers malades avaient eu des symptômes avant de monter à bord du train, et que les contacts n'avaient pas encore démontré de symptômes. Cependant, étant donné que le contact avec le groupe d'excursion n'a été que de 2-3 jours, le manque de symptômes n'a pas indiqué un manque de transmission. De même, les résultats faux négatifs liés aux tests rapides initiaux sur les membres symptomatiques du groupe d'excursion ont indiqué que quelque test d'influenza que ce soit effectué [sur les passagers] de ce train serait incertain.»

Henry Niman poursuit son article en soulignant deux situations où des cas index de H5N1 ont initialement utilisé des allégations semblables de décès de «causes naturelles» en Irak et en Azerbaïdjan. «Les deux ont été déclarés être décédés de complications cardiaques, et les deux ont été par la suite confirmés au H5N1 lorsque des contacts ont commencé à mourir Les autorités auraient-elles levé la quarantaine du train trop tôt?

Par ailleurs, une déclaration de David Butler-Jones, administrateur en chef de la santé publique du Canada, dirigeant l'Agence de santé publique du Canada, soulève d’autres préoccupations quant à la distanciation des planificateurs au sujet des réelles préoccupations actuelles de la société: «La seule surprise que j’ai eue hier, a été de constater avec quelle rapidité l’incident de train est devenu une nouvelle nationale et internationale». L'incident survenu en Ontario démontre à quel point la société est maintenant sensible aux questions de grippe aviaire et qu'elle s'intéresse à la menace d'une pandémie.

Cette sensibilité à fleur de peau de la société cache une grande peur. Les gens ont habituellement peur quand ils savent qu'ils sont en danger et qu'ils pourraient perdre le contrôle de leur vie. Une solution pour réduire cette peur serait de fournir des outils d'empowerment aux citoyens, en leur donnant par exemple des directives claires sur comment se préparer pour faire face à une future pandémie, notamment, en créant une réserve d'eau, de nourriture et de biens de base.

Nous tenons ici un indice, et les stratèges qui ne savent pas par quel bout commencer pour mieux sensibiliser les citoyens à la menace d'une pandémie (s’ils y pensent seulement), trouveront peut-être dans cet incident une piste de solution. Espérons aussi qu'ils y verront le commencement de la fin d'une époque où les citoyens étaient laissés dans l'ombre de la réalité de la grippe aviaire.


En ce qui concerne les allégations de manque de transparence, espérons que les autorités canadiennes interviendront au cours des prochains jours pour rectifier le tir de ce dérapage survenu dans les communications. Autrement, nous pourrons ajouter le Canada à la longue liste des pays à transparence douteuse quant à la gestion de cas suspectés de grippe aviaire. Ce qui serait fort regrettable.

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