Nous avons la chance à Zonegrippeaviaire, de compter parmi nos utilisateurs DRMSFV, un médecin généraliste, qui a passé plusieurs années en Afrique et s'est impliqué à Médecins sans frontières. Pour lui, la souffrance humaine est intolérable. Si vous discutez avec lui le moindrement, vous remarquerez que c'est plus fort que lui: c'est le message qu'il répète inlassablement. Et avec raison! Il a déclaré le 3 octobre dernier: "La pandémie est inévitable, mais la souffrance humaine touchant les domaines de la santé et du socio-économique est grandement évitable dans une démarche active, par les intervenants et par la population."
Je retrouve un peu ce même discours contre la souffrance humaine chez Vincent Échavé, interviewé aujourd'hui par le quotidien Le Devoir, ce même espoir que les choses changent un jour.
Ceux qui ont de l'expérience sur le terrain, ceux qui ont dû lutter chaque jour pour exercer une médecine de brousse dans des conditions difficiles, sont capables d'imaginer (mieux que d'autres je dirais) ce que sera une pandémie. Ils ont un avant-goût amer de ce que nous devrons traverser. Ils connaissent la chanson... Ils ont également une compréhension profonde des systèmes politiques et de comment fonctionnent réellement les choses. Ces personnes ont acquis une certaine sagesse, et ont une bonne idée de ce qui devrait être changé pour que le monde tourne un peu mieux.
Tout comme nous portons attention aux voix du passé, et que nous écoutons les témoignages des survivants de la grippe espagnole pour nous aider à mieux aiguiller les préparatifs pandémiques, nous pourrions apprendre beaucoup de médecins avec de nombreuses années d'expérience en aide humanitaire, tels que DRMSFV et Vincent Échavé.
Une citation de Vincent Échavé a retenu toute mon attention, et je note soigneusement ses paroles, car elles s'appliquent étonnament bien aux défis des préparatifs en vue d'une pandémie: «Les intérêts des grandes nations passent avant la vie humaine, lâche-t-il. On en est encore à ce point de barbarie. On a peu évolué.» Il cite en exemple la timidité de plusieurs à s'ingérer dans les affaires d'un État. «Je pense que la souveraineté des États ne doit pas être au-dessus de la vie humaine, de la justice et de la dignité.»
Nous avons pu observer ces derniers mois une tendance mondiale au black-out d'information, notamment en Indonésie, ce pays où sont survenus le plus grand nombre de décès causés par la grippe aviaire. À part quelques tentatives du ministre américain de la Santé, Mike Leavitt, qui s'est rendu en Indonésie, et une autre visite à Jakarta effectuée par le milliardaire Bill Gates, peu de protestations ont été entendues de par le monde à propos du laisser-aller face à la menace de la grippe aviaire et du silence grandissant concernant les cas humains.
Les "flubies" restent au front des nouvelles de la grippe aviaire, mais pour combien de temps? Nul ne sait dans combien d'années surviendra la pandémie, et plusieurs risquent de succomber à la "fatigue" et la lassitude de la grippe aviaire entre temps.
Je note également que Vincent Échavé conclut qu'il serait nécessaire de changer la structure des Nations unies, qu'il qualifie «d'entitée complètement paralysée». Il est d'avis que si nous n'arrivons pas à modifier cette super agence, «c'est le monde qui se condamne à l'inaction totale».
L'entrevue - Soigner en zone de guerre
Lundi, 6 octobre 2008 | Par Alexandre Shields | Le Devoir
Le Dr Vincent Échavé se refuse à tolérer l'inhumain.
Chirurgien bardé de diplômes, le Dr Vincent Échavé pourrait se contenter de profiter de la vie. Mais le confort et l'indifférence, très peu pour lui. Engagé au sein de l'organisation Médecins sans frontières, il a pratiqué la médecine dans plusieurs des pires zones de guerre que le monde ait connues depuis 20 ans. Et il en a assez vu pour conclure que les grandes puissances détournent le plus souvent le regard devant la souffrance que subissent les populations confrontées à ces conflits.
Pour résumer ce qui le pousse à exercer cet art médical qu'est la chirurgie dans des conditions extrêmes, et parfois même au péril de sa propre vie, le Dr Échavé cite Les Frères Karamazov de Dostoïevski: «Nous sommes tous responsables de tout et de tous devant tous, et moi plus que tous les autres.» Cette responsabilité est d'autant plus incontournable, selon lui, que «nous sommes privilégiés» de pouvoir vivre loin de cette misère endémique qui frappe des millions d'êtres humains.
«Mon engagement avec Médecins sans frontières me permet de réaliser mon rêve d'apporter mon aide là où les populations en ont le plus besoin et ainsi de mettre la personne humaine au-dessus de toute autre considération, explique le professeur à la faculté de médecine et des sciences de la santé de l'Université de Sherbrooke. J'ai embrassé la dimension internationale de notre profession pour vivre la médecine comme un désir d'humanité. Mon plus grand souhait est que l'on puisse conserver cette volonté de ne pas tolérer l'inhumain, de refuser la banalisation de l'injustice dans un monde placé sous le signe de la violence.»
Un désir d'aider doublé d'un parcours on ne peut plus riche. Né à Cuba, Vincent Échavé quitte l'île avec ses parents alors qu'elle est en pleine ébullition révolutionnaire. Il consacre alors plusieurs années à voyager pour parfaire sa formation en médecine, d'abord à Madrid, puis en Suisse, où il se spécialise en chirurgie générale et thoracique. Ensuite, direction le Québec, où il fait son internat rotatoire à Sherbrooke et sa résidence en chirurgie générale à l'Université McGill, puis à l'Université de Miami. Le Dr Échavé effectuera aussi des spécialisations en chirurgie vasculaire et oesophagienne.
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Les limites de l'humanitaire
Malgré toute la volonté des ONG, Vincent Échavé constate les limites de l'aide humanitaire, surtout si la communauté internationale continue de garder le silence. «Les intérêts des grandes nations passent avant la vie humaine, lâche-t-il. On en est encore à ce point de barbarie. On a peu évolué.» Il cite en exemple la timidité de plusieurs à s'ingérer dans les affaires d'un État. «Je pense que la souveraineté des États ne doit pas être au-dessus de la vie humaine, de la justice et de la dignité. Il y a des situations où la non-ingérence doit s'arrêter au moment où naît le risque de non-assistance.»
En 2005, l'ONU a effectivement admis l'existence d'une responsabilité de protéger les nations contre les génocides, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. «Pourtant, dans le cas du Darfour, il n'y a rien qui bouge. On est victime du Conseil de sécurité et du droit de veto de ses membres. Chacun défend ses intérêts. Cette fois-ci, c'est la Chine qui bloque tout parce qu'elle lorgne les réserves pétrolières du Soudan.»
Selon lui, il faudrait donc élargir le Conseil de sécurité, mais en y incluant «des pays neutres, qui n'ont pas d'intérêts comme ceux qu'on voit et qui ne sont pas d'anciennes puissances coloniales. On doit changer la structure des Nations unies, une entité complètement paralysée». Sans quoi, c'est le monde qui se condamne à l'«inaction totale».
Source: www.ledevoir.com
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