Blogue de Lyne Robichaud

18 novembre 2008

Les véritables quantités de la réserve d'antiviraux du Québec

Paru le vendredi, 15 août 2008, dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com



Je vous invite à jeter un coup d'oeil aux quantités de Tamiflu et de Relenza achetées par le gouvernement du Québec. J'ai obtenu ces informations par la loi sur l'accès à l'information.

Le 5 avril dernier, la porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux, Hélène Gingras, a déclaré au journal La Seigneurie:
Le ministère de la Santé est prêt. «On sait comment soigner une pandémie d’influenza car c’est une grippe. Ça se soigne avec des antiviraux. Nous avons déjà une réserve de 13 millions de doses.»
Or, cela ne s'avère pas être tout à fait exact. Le gouvernement possède en tout 11,621,070 doses de Tamiflu, et 3,186,340 doses de Relenza, pour un total de 14,807,410 doses en date du 28 mars 2008.





Cela consiste en moins de Tamiflu que ce qui a été déclaré le 5 avril dernier, alors que la dernière acquisition de Tamiflu a eu lieu le 28 mars 2008 (514,800 doses). Il y avait donc au moment de l'entrevue de Mme Gingras environ 11 millions de doses de Tamiflu.

Pour quelles raisons le MSSS additionne-t-il le Tamiflu et le Relenza dans ses déclarations officielles? Je pensais que nous n'avions quasiment aucune dose de Relenza, parce que nous n'en entendons jamais parler. Je pensais également que nous avions AU MINIMUM 14 millions de doses de Tamiflu, mais dans la réalité, nous en avons encore moins que cela, alors que les quantités recommandées pour le traitement et la prophylaxie ont augmenté de façon considérable au cours des derniers mois. Si devaient être appliquées ces nouvelles "normes" concernant le dosage recommandé, notre réserve d'antiviraux serait vite réduite à peu de chagrin. Le nombre de personnes qui en bénéficieraient consisterait en un très minime pourcentage de la population.

Michael Coston a rapporté que les États-Unis ont publié en juin 2008 Proposed Guidance on Antiviral Drug Use during an Influenza Pandemic (Recommandations proposées pour l’utilisation des antiviraux pendant une pandémie de grippe aviaire) et Household Post Exposure Prophylaxis (PEP) (Prophylaxie post-exposition pour les ménages (PEP)) en particulier. La prophylaxie de foyer d’infection, comme définie dans ces documents, exigerait jusqu'à 8 doses (80 pillules) de Tamiflu par employé de la santé pour couvrir une vague de pandémie. PEP (prophylaxie post-exposition) exigerait à une dose (10 pillules).

Le SNS (Réserve Stratégique Nationale) d’antiviraux des États-Unis, avec un objectif de 81 millions de 10 doses de pilules antivirales, sera probablement insuffisant face à une pandémie grave - en particulier si une quelconque prophylaxie antivirale est envisagée.

Il semblerait que la possibilité de prophylaxie antivirale n'est pas présentement envisagée par le gouvernement du Québec. Sinon, nous aurions entendu parler de plans de doubler, ou même de tripler la quantité de doses d'antiviraux de la réserve stratégique.

À la vitesse où la résistance au Tamiflu est en train d'évoluer - des isolats d'Afrique du Sud ont démontré une résistance à 100% dans le H1N1 de la grippe saisonnière dernièrement - nul ne sait si les stratégies de stockage d'antiviraux auront une quelconque utilité comme arme à jeter dans une pandémie.

Le Dr Henry Niman a averti le 12 août dernier: "L'émergence d'une résistance au Tamiflu répandue dans la grippe saisonnière continue d'être une cause de préoccupations, en ce qui concerne l'utilité de réserves d'oseltamivir à travers le monde pour atténuer une pandémie de H5N1."

Même si Tamiflu et Relenza peuvent avoir l'air d'être des notions compliquées pour le commun des mortels, j'aurais apprécié que le gouvernement du Québec donne l'heure juste sur la composition réelle de la réserve stratégique. Surtout quand on sait que la résistance aux antiviraux est un facteur extrêmement changeant, il me semble que de mettre tout dans le même panier, en pensant que c'est plus simple ainsi pour les gens, ne me semble pas démontrer un très grand respect pour l'intelligence moyenne du simple citoyen. Évidemment, nous ne sommes pas de grands scientifiques, mais nous sommes tout de même capables de faire la distinction entre Tamiflu et Relenza quand c'est bien expliqué, et nous pouvons également saisir quels sont les enjeux d'une éventuelle résistance des antiviraux. Si ces enjeux étaient expliqués comme ils se doivent à la population, alors les gens comprendraient probablement le danger de la menace pandémique. Ils réaliseraient que nous ne disposons pas d'outils substantiels pour atténuer les effets d'une pandémie. Si les gens comprenaient cela, ils se poseraient alors la question suivante: Que devrions-nous faire pour augmenter nos chances de traverser une pandémie? Et viendrait ensuite la nécessité d'augmenter la résilience de la société par une panoplie d'interventions non pharmaceutiques et de préparatifs individuels.

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