Blogue de Lyne Robichaud

18 novembre 2008

Comment faire pour souder l'esprit communautaire?

Paru le 17 février 2008 dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com

Étant donné que les coupures de câbles sous-marins Internet ralentissent de beaucoup le débit des nouvelles concernant la grippe aviaire, les chasseurs de nouvelles et les bloggeurs du flublogia contemplent des fils de presse vide et certains, comme Fla_Medic d'Avian Flu Diary, se sont mis à produire des contenus originaux sur les préparatifs pandémiques.

La dernière série de trois articles publiée par Fla_Medic intitulée "Le défi des soins à domicile" (traduits en français par Gaby, "The Challenge of Pandemic Home Care") reçoit nos félicitations: Partie I, Partie II, Partie III. C'est à lire. Les éléments rapportés dans ces articles et les suggestions de l'auteur méritent d'être analysés et retenus.

La lecture ouvre la réflexion sur le contexte de la communauté, les individus qui la composent et la philosophie qui inspire les membres qui en font partie. L'auteur est d'avis que nous avons tous encore l'âme des pionniers qui ont bâti la nation et il fait référence à "l'esprit" [the spirit]. En ce qui me concerne, j'appelle cela la "plus haute vision de qui nous sommes". C'est assez audacieux et ambitieux de penser que cette substance - cet état d'esprit - est ce qui pourrait nous sauver et nous sortir d'une situation de pandémie. Espérons que la pandémie nous transformera et fera ressortir le meilleur de nous-mêmes...


"C'est l'esprit [âme, courage, vigueur]
qui a bâti cette nation.
Et c'est cet esprit
- si nous nous rappelons toujours comment faire -
qui pourra aider à sauver cette nation
(ou n'importe quelle autre) dans une crise".
(Fla_Medic, Avian Flu Diary)
Est-il nécessaire de procéder à un sondage pour attribuer des chances de réussite aux suggestions de Fla_Medic? J'espère seulement qu'il sera possible pour certains de s'organiser en conséquence dans leur communauté pour soigner leurs malades. Encore là, peut-être s'agit-il d'une question de contexte.

Par exemple, prenons la ville où j'habite: Trois-Rivières. Comme n'importe quelle autre ville, la dynamique de quartier n'est pas la même d'un secteur résidentiel à un autre. Certains quartiers sont plus dynamiques que d'autres, le voisinage semble plus développé à certains endroits. Par exemple, lors des fêtes et festivals, on peut sentir que des quartiers sont bouillants d'effervescence, alors que d'autres, on se demande s'ils suivent le même calendrier annuel que nous parce qu'ils sont d'une platitude désopillante. L'automne dernier, à la fête de l'Halloween, j'ai été très étonnée de trouver au moins la moitié de la ville dans le même quartier. Les rues étaient bondées d'enfants et d'adultes déguisés et on pouvait à peine marcher dans la foule dense. Toutes les résidences s'étaient surpassées pour décorer leurs entrées et leur parterres. L'ambiance était endiablée et quasi magique. Ce fut le plus bel Halloween de toute ma vie et je parie que les adultes aussi, pas seulement les enfants, ont été envoutés par "l'esprit" de la fête qui impreignait chaque centimètre carré de ce quartier. Toujours est-il que ce genre de dynamisme, où tout le voisinage s'est donné le mot pour faire d'un événement un succès, même s'il ne s'agit que d'une fête d'Halloween, démontre que certaines communautés de voisinage seront mieux pré-disposées que d'autres à réagir dans le sens des recommandations énumérées par Fla_Medic en situation d'urgence ou de pandémie. Inutile de vous dire que dans mon quartier, j'évalue les chances de "soudage de l'esprit communautaire" à pas loin du zéro...

Mais on ne sait jamais... Les premières semaines, les premiers mois, les gens pourraient s'accrocher à leur mode d'existence apatique et peu communautaire. Mais à force d'encaisser, semaine après semaine, les vagues successives de la pandémie, et si les ressources gouvernementales sont réduites au quasi néant, je pense que des scénarios comme ceux pointés par Fla_Medic pourraient émerger, non pas par grandeur d'âme et "esprit" de partage, mais par besoin de survivance. Les gens seront à bout de souffle et de ressources. En situation d'extrême stress, on en vient peut-être à faire ressortir le meilleur de soi-même?

Sommes-nous devenus trop égoïstes, égocentriques ou superficiels? Avons-nous perdu au fil des ans, la moindre parcelle de charité envers nos semblables ou avons-nous développé un sentiment d'irresponsabilité envers nous-mêmes d'abord pour le reléguer à nos proches en cours de route? C'est un examen personnel qui devrait être fait par chacun sans tarder, si nous voulons avoir une chance de nous sortir indemnes d'une pandémie ou de quelque situation d'urgence de moindre gravité.

Il est triste de constater que ce sont des poignées d'individus qui se soucient de la collectivité, alors que ce serait sans doute plus efficace si l'impulsion venait du haut vers le bas. Il y a malheureusement encore des gens qui avancent comme des somnambules, seulement au son de la cloche des décideurs. Si les décideurs se décidaient enfin à comprendre l'avantage d'inclure les citoyens dans les mesures et préparatifs d'urgence, tout le monde y gagnerait au change en temps de crise.

Il y a plus que la réserve de nourriture et le nécessaire à planifier qui sont en jeu. Les soins à domicile, le partage des tâches, l'impact psychologique de tout ce stress, affronter la maladie et la mort à domicile sont des sujets encore peu explorés que personne n'a eu à affronter jusqu'à maintenant - puisque personne n'a encore vécu de pandémie par ici. Quand la situation se complique, nous avons des réseaux téléphoniques de dépannage, des cliniques d'urgence, des médecins, spécialistes ou des ambulances et des hôpitaux. Toutefois, faire face à la maladie et à la mort sans soutien d'aucune sorte, combien seront capables de le faire? En espérant ne pas manquer du strict nécessaire.

La pandémie va transformer le monde, et si nous voulons en faire partie pour en parler plus tard, il est grand temps de voir ce que nous pouvons faire dans notre condition immédiate.

Ce qui me ramène inlassablement à deux éléments embêtants qui ont été identifiés au fil des mois par les utilisateurs de Zonegrippeaviaire, qui me paraîssent pour le moment comme des obstacles infranchissables: l'apathie résultante de notre style de vie, ainsi que le niveau de conscience des gens, leur capacité de vision à long terme (lire "Aider ceux qui sont prêts à être aidés"). Vous êtes invités à alimenter ces deux fils de discussion afin de réfléchir collectivement à ces problématiques ainsi qu'aux moyens qui pourrraient être déployés pour les contourner.

J'aime beaucoup les deux citations ci-dessous. Je les relis souvent car elles me parlent, et vous invite à méditer dessus vous aussi.



"Les dangers les plus sérieux
qui menacent notre santé sont typiquement
caractérisés par la sous-réaction du public -
c'est-à-dire, par l'apathie,
plutôt que par la panique".

(Peter M. Sandman. Source)



"Il faut crever cette bulle protectrice
qui assure la double fausse protection
des décideurs et des citoyens.
Sachons quitter "nos jardins à la française",
avec leurs risques bien domestiqués,
pour les terrains impensables
de l'ignorance et du chaotique.
C'est là que nous trouverons la force
de coeur et d'esprit nécessaires à l'action".
(Patrick Lagadec. Source)

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