Blogue de Lyne Robichaud

18 novembre 2008

Que signifie au juste l’expression «bien contrôlé»?

Paru le 17 février 2008 dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com

Le 12 février 2008, un site gouvernemental que je ne nommerai pas pour l’instant, a modifié sa page d’accueil pour afficher le message suivant:
«L'Organisation mondiale de la santé (OMS) considère présentement que le risque d’éclosion d’une pandémie d’influenza, provoquée par la transmission d’humain à humain du virus H5N1 de la grippe aviaire, demeure important mais qu’il est bien contrôlé
Dans la suite du communiqué, on peut lire la déclaration suivante:
«Si donc le risque d’une pandémie d'influenza est effectivement pris au sérieux par les autorités, s’il mérite l’attention de tous et justifie l’adoption énergique de mesures de protection et d’hygiène, les efforts consentis accentuent dans le même temps la compétence et la capacité collectives à lutter contre le fléau, voire à en interdire l’avènement.»
Cela fait pas mal de «si»…

Ah bon, me suis-je dit. Le risque serait «bien contrôlé»? Mais que signifie cette expression au juste? Qu’est-ce qu’ils ont voulu dire par «bien contrôlé»?

Est-ce que l’expression «bien contrôlé» se réfère à cette déclaration récente de la FAO?
Le virus demeure une menace mondiale, avertit la FAO
25 janvier 2008 – Xinhua
«De manière générale, beaucoup de progrès ont été réalisés pour garder le virus de l’influenza aviaire sous contrôle. Nous sommes aujourd’hui mieux préparés pour faire face à la maladie que nous l’étions il y a 3 ans», a déclaré Joseph Domenech, vétérinaire en chef à la FAO.
La première idée qui m’est venue à l’esprit, c’est «l’appellation d’origine contrôlée», un signe français d’indication géographique protégée, identifiant l'origine de produits alimentaires traditionnels français. L'objectif de ces signes de qualité est de les rendre facilement reconnaissables. S’il est possible de «bien contrôler» la qualité des fromages et des vins, serait-il possible de «bien contrôler» l’éclosion d’une pandémie, me suis-je demandé?

Il y a deux ans, il est probable qu’on aurait pu faire gober le message sans broncher. Mais maintenant qu’on en sait plus sur l’actualité et qu’on peut se faire une meilleure idée de l’éventail des obstacles économiques, politiques et culturels qui pourraient faire échouer les beaux projets de «contrôle» d’éclosion d’une pandémie, de même que la longue liste des enjeux réels avec lesquels il faudra composer pour «bien contrôler» quoi que ce soit, ce n’est pas avec le même regard que nous lisons les nouvelles et les communiqués.

Le mot «contrôle» signifie maîtrise, garder la commande de quelque chose. Or, s’il y a bien quelque chose qui n’est pas maîtrisé en ce moment, c’est bien la grippe aviaire qui fait rage au Moyen-Orient et en Asie du Sud. Est-ce que les personnes qui ont affiché cette information sur le site gouvernemental lisent les informations internationales sur la grippe aviaire?

Comment peut-on affirmer que le «risque d’éclosion d’une pandémie est bien contrôlé» quand on sait que:
> L'Asie fait face à une grave situation de combat contre la propagation de la flambée de grippe aviaire.

> Il y a des décès massifs de volailles qui surviennent chaque jour au Bengale occidental, en Inde, et au Bangladesh depuis quelques semaines. La grippe aviaire, qui s'est propagée rapidement au Bangladesh dernièrement, affecte 42 des 64 districts de ce pays.

> Malgré l’abattage de millions d’oiseaux dans ces deux pays, le virus continue de se propager. L'Inde a abattu environ 2,5 millions d'oiseaux au Bengale occidental depuis que le foyer d'infection a été confirmé vers la mi-janvier. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a décrit la situation du Bengale occidental comme étant "sérieuse".

> Au cours des deux derniers mois, il y a également eu des foyers d'infection chez les oiseaux rapportés dans des pays de l'Asie tels que l'Indonésie, la Thaïlande, le Laos, le Pakistan, le Tibet et la Chine, le Vietnam, le Myanmar, et le Népal. En Europe, l’Angleterre, l’Ukraine, la Bulgarie et la Turquie ont rapporté des foyers d’infection de grippe aviaire.

> De nombreux cas humains ne sont pas rapportés en Inde, au Bangladesh, au Pakistan, en Chine et probablement dans d’autres pays, notamment d’après le Dr Henry Niman de Recombinomics.

> La situation à Tangerang en Indonésie est tout aussi inquiétante, avec plusieurs morts survenus au cours des derniers jours.

> Le Vietnam a également annoncé plusieurs cas humains la semaine dernière.
Revenons sur ce bout de phrase: «Les efforts consentis accentuent dans le même temps la compétence et la capacité collectives à lutter contre le fléau». Comment ne pas sourire en lisant une telle déclaration? Il y a de quoi s’interroger sur la «compétence» et la «capacité collective» lorsqu’on pense à la campagne de propagande et de désinformation qui a été servie par le gouvernement pakistanais ces derniers jours, ou encore le déni de l’Inde qui affirme qu'elle en est presque venue à avoir "sous contrôle" la situation de la grippe aviaire au Bengale occidental. De quelle «capacité collective» s’agit-il, quand on réalise que la majorité des citoyens ne sont pas suffisamment renseignés sur la grippe aviaire et ses implications, et que ceux qui le sont, ne sont pas invités à participer aux efforts qui «contrôlent»?

«Le risque d’éclosion d’une pandémie demeure important, mais nous aimerions bien vous faire accroire qu’il est bien contrôlé», devrait-on plutôt lire.

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