Paru le 11 février 2008 dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com
Confiner à grande échelle
Même si une communauté adoptait la notion de confinement de grande échelle, comme la fermeture des écoles ou les cas exposés placés en quarantaine dans leurs résidences, les chercheurs du Centre pour la biosécurité et le bioterrorisme de l’Université de Pittsburg considèrent que les leaders auront quand même à déployer des ressources martiales suffisantes pour la mise en œuvre de ces mesures.
Dans leurs efforts pour maîtriser les foyers d’infection au SRAS en 2003 - où il y a eu moins de 500 cas - les autorités canadiennes de la santé ont dû gérer des impositions de quarantaine à la maison de plus de 25 000 résidants du grand Toronto. C’est ce qu’indiquent Clete DiGiovanni et ses collègues dans «Factors influencing compliance with quarantine in Toronto during the 2003 SARS outbreak», publié en 2004 dans Biosecurity and Bioterrorism: Biodefense Strategy, Practice, and Science.
L’impact de ce programme canadien demeure nébuleux, mais toutefois les ressources en santé publique qui ont été nécessaires pour exécuter cette mesure ont été gigantesques. Il a fallu persuader chaque famille de la nécessité de la mesure de confinement, indiquer aux individus comment s’y conformer et organiser des services de livraison de nourriture et d’autres services de soutien. Le Plan regional contre une pandémie d’influenza (Mauricie et Centre-du-Québec) précise (page 14): «Les effets psychosociaux du SRAS sur les travailleurs de la santé, les malades et leurs familles restent encore à évaluer».
En projetant cette proportion de mises en quarantaine selon l’hypothèse avancée dans le Plan de lutte québécois qu’une pandémie de grippe aviaire attendrait 35% de la population en première vague et qu’il y aurait 2,6 millions de Québécois infectés, cela équivaudrait à mettre en quarantaine la totalité de la population du Québec!
Les infrastructures civiles peuvent servir d’extension aux ressources publiques existantes en contribuant à la diffusion des messages de contrôle des infections, en particulier auprès de populations aux prises avec des accès limités au gouvernement ou ne faisant pas confiance au gouvernement; en livrant des repas, des médicaments; en prodiguant du soutien et des soins à des individus confinés à leur maison; et en permettant aux travailleurs des services essentiels de se rapporter à leur travail.
Soigner un très grand nombre de malades quand les hôpitaux seront débordés
Dans un scénario de pandémie sévère de grippe aviaire, les demandes en soins de santé seront plus élevées que la capacité des hôpitaux locaux et des professionnels de la santé à traiter les patients atteints de la grippe aviaire, et de maintenir les autres services médicaux essentiels à la hauteur des attentes modernes.
Un rapport de Statistiques Canada recensait environ 1 250 hôpitaux au Canada en 1994. Aux États-Unis, il y en a plus de 5 110 qui seraient potentiellement incapables de fonctionner avec efficacité aux prises avec des réductions de personnel résultant de travailleurs tombés malades, ou devant prendre soin de membres de leur famille luttant contre la maladie, ou ne voulant pas prendre le risque de propager la contagion de la grippe aviaire à leur domicile.
Les hôpitaux pourraient faciliter la transmission du virus de la grippe aviaire à l’intérieur de leurs murs, en raison du nombre de patients infectés qui se tourneront vers ces hôpitaux. Les établissements de la santé pourraient même manquer des fournitures les plus élémentaires à cause du plus grand nombre de patients à soigner, des inventaires «Just-in-Time» minimums ou ou JIT, et des interruptions de chaînes de livraison. L’ensemble du milieu des soins de santé ayant opté pour un mode de fonctionnement basé sur des inventaires minimums - plutôt que d’entreposer des milliers de dollars d’inventaire, plusieurs établissements attendent à la toute dernière minute pour regarnir leurs fournitures -, si la population des patients à soigner augmente brusquement, les livraisons régulières de matériel et d’équipement ne seront pas suffisantes.
L’engagement communautaire pourrait améliorer la capacité des populations à faire face aux défis éthiques et aux changements opérationnels associés avec des soins de masse en temps de pandémie.
Décider qui aura accès aux soins médicaux limités
Les cadres scientifiques, moraux et juridiques concernant l’attribution des ressources limitées de soins de santé et les changements aux normes de soins dans des circonstances épidémiques affecteront considérablement les citoyens et devraient être considérés collectivement par la communauté.
Lors d’une pandémie, les hôpitaux devront décommander des chirurgies et donner leur congé aux malades afin qu’ils aillent récupérer ailleurs.
Qu’arrivera-t-il des interventions chirurgicales régulières de cancers et des angioplasties, sans lesquelles plusieurs patients pourraient mourir? Les patients en psychiatrie seront-ils envoyés à la maison pour faire de la place aux patients infectés de grippe aviaire?
Les médecins auront la responsabilité ultime de décider des priorités et d’effectuer des triages rapides, mais une directive bien pensée et endossée par le grand public aiderait à refléter les priorités de la communauté et à obtenir l’acceptation des résidents au moment d’une crise.
Comme il faut 10 doses de Tamiflu® pour soigner un seul patient et 50 doses pour protéger un seul travailleur de la santé, il est évident qu’il n’y aura pas suffisamment d’antiviraux pour tout le monde (d’où le secret et la protection des stocks). L’armée sera appelée à intervenir pour protéger les réserves nationales, et comment réagira la population à ce moment-là?
Le patron de la division pharmaceutique de Roche, Williams Burns, a déclaré au printemps 2007: «Depuis deux ans, nous avons constaté que la plupart des gouvernements ont fait du chemin. Mais nous pensons qu'il y a encore beaucoup à faire pour ce qui est de la préparation à administrer le traitement qui pourrait diminuer le taux de mortalité de manière drastique». Roche est en mesure de produire 400 millions de doses par an mais s'apprête à réduire sa production, en raison de la diminution de la demande des gouvernements, qui stagne actuellement à 215 millions.
Si une pandémie devait se déclarer dans un pays mal préparé, le risque de réactions violentes est important, motivées par la panique, de la part de la population, notamment en ce qui concerne la distribution des masques et des antiviraux. Sans doute pour ces raisons, un certain nombre d'aspects des plans de lutte restent confidentiels, comme les lieux de fabrication et de stockage des masques et antiviraux, et il est possible que les distributions soient effectuées en ayant recours à l'armée.
Blogue de Lyne Robichaud
18 novembre 2008
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