Blogue de Lyne Robichaud

18 novembre 2008

Quand passera-t-on enfin en Phase Quatre?

Paru le samedi, 5 avril 2008, dans la Gazette de Zonegrippeaviaire.com

Avec l’annonce publiée aujourd’hui de sept villageois suspectés d’avoir contracté la grippe aviaire et d’être hospitalisés à Java, en Indonésie, et faisant suite à plusieurs autres groupes de cas survenus dernièrement en Indonésie, la problématique de la transmission d’humain-à-humain refait surface avec insistance. Bien que le débat enflammé portant sur la nécessité de passer en Phase Quatre de niveau d’alerte ait déjà eu lieu il y a de cela plusieurs mois, la situation actuelle est un moment opportun pour remettre la question sur le tapis.

Nous avons eu droit cette semaine à une déclaration – passée en douce – de l’Organisation mondiale de la santé, comme quoi il était probablement survenu de la transmission d’humain-à-humain au Pakistan vers la fin de 2007. Une réalité que tout le monde de la sphère du flublogia savait déjà depuis le début (mi-décembre de l’année dernière). Rien de nouveau sous le soleil, mais cette nouvelle, qui nous parvient avec un GROS trois mois de retard, s’ajoutant à un autre mois de retard entre le moment où le virus a fait son œuvre, et celui où le monde entier l’a su, a de quoi nous laisser très perplexe en ce qui concerne le système de surveillance mondial, qui devrait prétendument nous alerter de manière très précoce dans l’éventualité d’une flambée potentielle de souche pandémique. Comment peut-on persister à croire en ces concepts abstraits, quand dans la Vraie Réalité, nous comptons sur nos doigts plusieurs mois avant que les autorités finissent par avouer à demi-mot la vérité sur ce qui s’est passé. Il n’est pas nécessaire d’être épidémiologiste ou expert en la matière pour avoir deviné qu’il se trame de la transmission d’humain-à-humain, et ce, en ce moment même, dans plusieurs pays du monde. Les intervalles entre les décès et les dates de début de la maladie parlent d’eux-mêmes.

Désormais, nous en sommes venus à nous méfier de tout résultat de test annoncé, sachant qu’il existe de nombreux précédents de résultats mitigés, auxquels il vaut mieux ne plus se fier entièrement. Lire entre les lignes, continuer d’accumuler les reportages à propos des cas suspectés, et tenter de reconstituer les pièces manquantes du puzzle à la Sherlock Homes vaut mieux que de s’en remettre aux déclarations officielles de certaines nations et/ou d’agences parapluies chapeautant ces nations. Une pandémie risquerait de se rendre jusque sur le pas de notre porte, et on continuerait de nous affirmer dur comme fer qu’«Il n’y a pas de danger», que «Le virus n’a pas muté», qu’«Il n’y a aucun cas humain de grippe aviaire», et d’autres affirmations de cette nature, qui ne collent pas tout à fait avec la véritable marche du H5N1 dans le monde.

Mais revenons à notre sujet, la question de la Phase Quatre. Cette semaine, Scott McPherson nous a lancé une proposition intéressante. Il suggère que divers pays du monde soient étiquetés avec divers niveaux d’alerte. Dans son article «Trois autres cas humains indonésiens testent positif au H5N1», il utilise l’exemple de Security Homeland – la Sécurité intérieure des États-Unis – dont le niveau d’alerte pour l’ensemble du pays est Jaune, alors que les voyages aériens sont maintenus au niveau Orange. «En utilisant cette logique, qui pourrait possiblement être en désaccord avec le fait que l'Indonésie mérite [une étiquette] de Phase Quatre?», indique-t-il.

Le 13 décembre dernier, Scott McPherson nous a livré une analyse vraiment poussée du problème, dans «Appuyez sur le bouton. Les enjeux politiques justifiant un passage en Phase Quatre». Scott s’interrogeait: «La phase pandémique 4 de l’OMS est définie comme "Évidence de transmission humaine accrue." Alors que constitue l'évidence? Est-ce une augmentation dramatique des cas humains de H5N1 localisés dans une nation où personne ne peut mettre la main sur des échantillons de virus?». Et il a conclu: «La plus grande chose la plus simple que l'OMS peut faire pour augmenter la conscience du potentiel pandémique du H5N1 est d'élever le niveau de menace -- maintenant -- de la phase 3 à la phase 4. Je suis certain que les décideurs de l’OMS peuvent trouver une justification suffisante, si ladite justification n'existe pas déjà.»

Difficile de rajouter à ce que le Grand Scott a déjà analysé il y a de cela plus de quatre mois. En attendant que la patronne de l’OMS, Margaret Chan, se décide à appuyer sur le bouton, je vais continuer de me creuser les neurones pour tenter d’élucider le mystère de ce que peut bien vouloir dire l’expression «évidence de transmission humaine accrue», et me lancer dans de grands calculs (menant à pas grand-chose) sur le nombre de groupes de cas qui devront émerger, et la taille de ceux-ci, avant que les autorités mondiales ne se décident à agir.

Ce qui est vraiment le plus déchirant dans tout cela, c’est que nous GÂCHONS du temps extrêmement précieux, perdu à jamais, en ce qui concerne les préparatifs pandémiques. Les citoyens - ceux-là mêmes qui seront sur le front de la pandémie - pendant ce temps, continuent de vaquer à leurs occupations, totalement inconscients, pour la majorité d’entre eux, de ce qui pourrait leur tomber dessus d’ici peu. Oui, l’avancement des préparatifs pandémiques à l’échelle de la planète a progressé, la majorité des nations s’étant dotées de plans de lutte et ayant amorcé une réflexion. Mais plusieurs pans de réflexion – DE GROS ICEBERGS – n’ont pas été incorporés dans leurs planifications. On n’accorde pas un permis de conduire à une personne n’ayant même pas accumulé une journée de pratique au volant, n’est-ce pas? Nos gouvernements n’ont pas de pratique en gestion de pandémie, pour la simple et bonne raison que personne d’entre nous n’a encore vécu de pandémie. Nous n’étions pas nés en 1918. Les autres pandémies de 1957 et 1968 n’ont pas eu d’impact suffisant pour nous conférer une grande expertise en la matière. Il reste donc beaucoup de travail à accomplir avant de pouvoir prétendre que nos préparatifs sont rendus à un niveau suffisamment avancé pour ne pas perdre la boule en pensant à ce qui pourrait se passer à tous les niveaux de la société, dans toutes les sphères de nos existences, advenant une pandémie.

Il a été jugé nécessaire que les nations du monde entier se dotent de plans de lutte, et que les entreprises du monde entier s’assurent de la continuité de leurs opérations. Comment se fait-il alors que la nécessité absolue de renforcer l’autonomie des citoyens du monde entier face à la menace d’une pandémie ne soit pas criée sur tous les toits? En passant en Phase Quatre d’alerte de pandémie, cela faciliterait la tâche des personnes qui tentent désespérément de conscientiser les personnes de leur entourage et de les sensibiliser à la question des préparatifs collectifs et individuels en vue d’une pandémie.

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